Omar Mansour le sait très bien : chaque appel avec sa famille, qui se trouve dans la bande de Gaza, pourrait être le dernier.

Alors, pendant ces quelques minutes où il peut parler à ses parents, son frère et ses sœurs, le Vancouvérois se fait un devoir de leur dire qu’il les aime.

« Je leur demande comment ils vont, mais ça ressemble toujours plus à un au revoir. Et je leur dis que je les aime », a-t-il raconté en entrevue avec La Presse Canadienne.

« Je les remercie pour ce qu’ils ont fait pour moi, parce que c’est peut-être le dernier appel, la dernière fois que j’entends leur voix. »

Cinq de ses cousins ont été tués par des tireurs isolés israéliens, la semaine dernière, alors qu’ils cherchaient de la nourriture et de l’eau.

Israël a pilonné samedi plusieurs zones de la bande de Gaza avec des frappes aériennes et de l’artillerie. La veille, les États-Unis ont mis leur veto à une résolution des Nations unies qui exigeait un cessez-le-feu humanitaire immédiat.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a invoqué pour la première fois l’article 99 de la Charte des Nations unies, qui permet à un chef des Nations unies de souligner les menaces qu’il voit à la paix et à la sécurité internationales. Il a mis en garde contre une « catastrophe humanitaire » dans la bande de Gaza.

Mais l’ambassadeur adjoint des États-Unis, Robert Wood, a plaidé que l’arrêt de l’action militaire de l’armée israélienne permettrait au Hamas de continuer à diriger Gaza et à « semer les graines de la prochaine guerre ».

La guerre actuelle a été déclenchée par l’attaque-surprise du Hamas, le 7 octobre, dans le sud d’Israël. Lors de celle-ci, des militants ont tué environ 1200 personnes en Israël, pour la plupart des civils, et capturé environ 240 otages.

Le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, a indiqué que le nombre de morts dans le territoire avait dépassé les 17 400 au cours des deux derniers mois, en plus de 46 000 blessés. Le ministère ne fait pas de différence entre les décès de civils et de combattants, mais a estimé que 70 % des victimes étaient des femmes et des enfants.

Peu d’aide disponible

Les frontières de Gaza avec Israël et l’Égypte sont fermées, ce qui laisse 2,3 millions de Palestiniens sans autre choix que de chercher refuge dans ce territoire de 40 kilomètres de long et quelque 11 kilomètres de large.

M. Mansour, qui vit au Canada depuis 2014, a mentionné que sa famille s’est réfugiée dans une école gérée par les Nations unies près de la ville de Gaza. Le petit bâtiment est complètement rempli.

Ses proches sont toutefois bien au fait que l’école pourrait être bombardée à tout moment, a-t-il expliqué.

« Toutes les familles sont en mode survie au jour le jour », selon lui.

Pendant une semaine de cessez-le-feu, sa famille a marché jusqu’à son domicile dans la partie nord de la bande de Gaza.

Son frère de 23 ans, Firas Omar, a décrit à M. Mansour les scènes qu’il a vues pendant son périple, faisant état de tas de pierres qui étaient autrefois des maisons, des hôpitaux, des écoles et des commerces.

La maison de la famille Mansour est désormais en ruines, a-t-il déploré. Les membres de la famille ont fouillé les mains nues dans les ruines et ont trouvé quelques documents qu’ils avaient conservés dans un coffre-fort, ainsi que quelques boîtes de conserve qui avaient survécu au bombardement.

« Une boîte de thon, quelques boîtes de haricots et du maïs, a-t-il énuméré. Ma mère et mon père souffrent de famine. »

Sa famille a eu l’occasion de se doucher pour la première fois depuis le 7 octobre pendant le cessez-le-feu. Mais il n’y a pas d’eau pour laver leurs vêtements et ils ne savent pas quand ils pourront se doucher la prochaine fois, a-t-il ajouté.

« Il n’y a pas non plus d’eau à boire. »

À court de ressources

Depuis la fin du cessez-le-feu, le 1er décembre, la famille du Vancouvérois a mangé quelques cuillerées de nourriture en conserve, tout en tentant de la faire durer le plus longtemps possible.

« Il leur en reste très peu. Firas a peur de trop sortir pour aller chercher de la nourriture, parce qu’il y a des tireurs d’élite partout », a souligné M. Mansour.

Sa mère, Sanaa Omar, qui a la soixantaine et a besoin de médicaments, n’a pas vu de médecin depuis le début de la guerre, a-t-il affirmé.

« Elle est fatiguée, épuisée même. Épuisée par toute cette tension, a-t-il laissé tomber. Elle veut juste se sortir de toute cette situation, retrouver un peu de paix. »

Questionné à savoir où sa famille trouvait la résilience nécessaire pour continuer, M. Mansour a répondu : « Est-ce qu’ils ont un autre choix ? Personne n’a d’autre choix. »

Avec des informations de l’Associated Press