(Québec) Réduction de l’immigration temporaire, francisation et remboursement des dépenses liées aux demandeurs d’asile : le gouvernement Legault a énuméré ses demandes à Ottawa pour éviter la tenue d’un référendum sectoriel sur l’immigration.

« On attend des avancées claires et nettes », a indiqué la ministre de l’Immigration Christine Fréchette mercredi lors d’une courte mêlée de presse à l’Assemblée nationale.

La veille, François Legault a menacé le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, de tenir un référendum sur l’immigration s’il n’obtient pas satisfaction à ses demandes d’ici le 30 juin.

« Est-ce qu’on fait un référendum là-dessus [sur l’obtention de nouveaux pouvoirs en immigration] éventuellement ? Est-ce qu’on fait un référendum plus large sur d’autres sujets ? Ça va dépendre des résultats des discussions », a avait dit le premier ministre du Québec.

Mme Fréchette est venue préciser quelles sont les demandes du gouvernement du Québec. Elle souhaite :

  • Des avancées en matière d’intégration d’exigence linguistique dans les programmes relevant du gouvernement fédéral ;
  • une réduction des résidents non permanents ;
  • des réponses quant à la demande du Québec d’obtenir le plein remboursement des dépenses encourues en raison des demandeurs d’asile.

M. Legault, lui, avait parlé de la préapprobation par le Québec de la sélection de l’ensemble des immigrants temporaires. « Si c’était le cas, ça voudrait dire que l’on contrôlerait le nombre, les exigences en français », expliquait-il.

Pour l’instant, le programme de mobilité internationale, qui représente plus ou moins 60 % de travailleurs étrangers temporaires, est géré par Ottawa et échappe au contrôle du Québec. Si le gouvernement Legault a son mot à dire, serait-ce suffisant ?

« Ce serait une avancée importante. Est-ce que ce serait suffisant comme ensemble de l’œuvre, à voir », a affirmé Mme Fréchette.

Pleins pouvoirs

Il s’agit vraisemblablement d’une position de replis pour Québec. Le 14 mars, François Legault demandait l’entièreté des pouvoirs en immigration.

Ça va faire partie de mes demandes, donc, de rapatrier tous les pouvoirs en matière d’immigration.

François Legault, en mars

Il s’était rapidement fait dire non par le premier ministre Trudeau, qui avait cependant ouvert la porte à ce que les travailleurs temporaires qui relèvent d’Ottawa soient d’abord approuvés au Québec.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon dit vouloir offrir tout son soutien au premier ministre François Legault et est même prêt à faire campagne dans le camp du « oui » à ses côtés. Mais il est clair pour lui qu’il faut demander « les pleins pouvoirs ».

« Donnons-nous cette date butoir du 30 juin, c’est-à-dire qu’il y a une rencontre ultime avec Justin Trudeau et dans le cadre duquel on va à nouveau demander les pleins pouvoirs en immigration », a-t-il affirmé en point de presse.

Si la réponse est non, François Legault devra alors déclencher une consultation populaire « sur le rapatriement des pleins pouvoirs à l’immigration, et dans quel cas je serai à ses côtés et je serai très confiant que cette équipe de plusieurs politiciens qui juge que le Québec mérite de décider par lui-même en matière d’immigration ».

À Ottawa, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est également séduit par l’idée. « Si tant est que ce soit de donner un levier pour le Québec afin de contrôler davantage l’enjeu de l’immigration sur le territoire québécois, nous [appuyons] l’idée proposée par le premier ministre du Québec », a-t-il exposé dans le foyer de la Chambre.

La variable inconnue demeure « ce que serait la question » d’une putative consultation populaire, mais « notre appui est là », car « c’est tentant, qu’il y ait un référendum » dont les chances de succès sont bonnes, a avancé le leader du Bloc québécois.

« Le gouvernement du Québec pourrait demander beaucoup plus que ce qui est dans les demandes actuelles de la ministre Fréchette, et gagnerait probablement haut la main un tel référendum », a-t-il supposé.

Le PLQ ne veut pas les pleins pouvoirs

Québec solidaire affirme de son côté vouloir également les pleins pouvoirs en immigration. Au Parti libéral, on juge cette position irréaliste, puisque le Canada a la responsabilité de gérer les frontières.

Le PLQ demande, comme la Coalition avenir Québec, que le programme de travailleurs étrangers temporaires « soit rapatrié à Québec », mais croit que le référendum de François Legault n’est qu’un « bluff ». « Ça se fait par négociation, pas à coups de menaces de référendum », a dit le chef par intérim Marc Tanguay.

« Ce n’est pas à coups de menaces de référendums que ça se bâtit, des relations de confiance. C’est la sixième année, cette année, où on peut voir qu’en immigration il n’y a pas de planification, il n’a pas développé la capacité d’accueil et il est incapable d’arriver avec des positions négociées dans un contexte fédéral. C’est ça, l’échec de la troisième voie », a-t-il déploré.

Avec la collaboration de Mélanis Marquis, La Presse