(Québec) François Legault menace le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, de tenir un référendum sur l’immigration s’il n’obtient pas satisfaction à ses demandes d’ici le 30 juin.

Ce qu’il faut savoir

  • François Legault estime que le statu quo sur l’immigration n’est pas possible. Il demande à Justin Trudeau de réduire l’immigration temporaire ou de lui confier davantage de pouvoirs.
  • Il s’attend à des résultats d’ici le 30 juin.
  • Il ne ferme pas la porte à un référendum sectoriel sur l’immigration.

« Est-ce qu’on fait un référendum là-dessus [sur l’obtention de nouveaux pouvoirs en immigration] éventuellement ? Est-ce qu’on fait un référendum plus large sur d’autres sujets ? Ça va dépendre des résultats des discussions », a affirmé M. Legault lors d’un point de presse mardi.

« N’oubliez pas que M. Trudeau m’a promis une nouvelle rencontre au plus tard d’ici le 30 juin. Je m’attends à des résultats. M. Trudeau a une obligation de résultat », a-t-il ajouté.

François Legault a commencé son point de presse en dénonçant les annonces prébudgétaires du gouvernement Trudeau, et ses intrusions dans les champs de compétence du Québec.

Le pire dans ces annonces, c’est que ça vise des problèmes créés par le gouvernement fédéral lui-même. Le fédéral a laissé exploser le nombre d’immigrants temporaires à 560 000.

Le premier ministre François Legault

« Ça amène des problèmes énormes pour les Québécois. Il nous manque d’enseignants, d’infirmières, de logements, et ça pose un vrai défi pour l’avenir du français, en particulier à Montréal », a-t-il ajouté.

M. Legault a nommé des solutions possibles. L’une d’entre elles est la préapprobation par le Québec de la sélection de l’ensemble des immigrants temporaires. « Si c’était le cas, ça voudrait dire que l’on contrôlerait le nombre, les exigences en français », a-t-il dit.

Le statu quo n’est plus possible, selon Legault

En mars, face au refus de Justin Trudeau d’accorder au Québec les pleins pouvoirs en immigration, M. Legault a affirmé qu’il déposerait bientôt un « plan » qui présentera les « options » de son gouvernement pour réduire l’immigration temporaire dans la province.

Lors d’une rencontre à Montréal avec M. Trudeau, M. Legault s’était vu refuser l’obtention de tous les pouvoirs en immigration.

Le chef du gouvernement fédéral avait toutefois ouvert la porte à la possibilité que les travailleurs temporaires qui relèvent d’Ottawa soient d’abord approuvés au Québec et au resserrement des visas pour les étrangers qui viennent au Québec, comme c’est le cas pour les Mexicains. M. Trudeau serait aussi enclin à accepter que le traitement des dossiers des demandeurs d’asile soit accéléré.

Le premier ministre souligne maintenant que Justin Trudeau « a avoué qu’il y a trop d’immigrants ». Il a indiqué que la ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, a des discussions avec le gouvernement fédéral, notamment sur la question de la préapprobation et de l’exigence du français.

Essentiellement, il demande à Ottawa de réduire le nombre d’immigrants à la source, ou de céder les pouvoirs au Québec. « On ne peut plus continuer comme ça », a-t-il dit.

Invité à réagir sur l’autre colline, le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, a commencé par rappeler qu’« un pays qui donne tous ses pouvoirs à quelqu’un d’autre n’est plus un pays, que ce soit un État fédéré ou autre ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La ministre de l'Immigration, Christine Fréchette

Il a toutefois poursuivi en disant avoir « vraiment senti » dans ses récents échanges avec son homologue québécoise, Christine Fréchette, « une ardeur au travail, une volonté de vouloir trouver des solutions à nos défis communs, et des points de convergence ».

Même s’il existe des points de divergence avec le gouvernement Legault, le fédéral est sur la même longueur d’onde en ce qui a trait à « la langue commune du Québec, et au désir de réduire [l’immigration] temporaire de façon rationnelle », a-t-il indiqué.

Pas une renégociation complète de l’entente

Les modifications demandées par le gouvernement Legault ne nécessiteraient pas une réouverture complète de l’accord Canada-Québec sur l’immigration, selon le cabinet de la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette.

Du côté de Québec solidaire, l’ancien président de l’Association des avocats en droit de l’immigration et actuel député solidaire Guillaume Cliche-Rivard affirme que le Canada, par l’entremise de l’article 22 B de l’accord, a déjà consenti au fait que 100 % des travailleurs étrangers temporaires soient présélectionnés par Québec.

Depuis, Ottawa a créé le programme de mobilité internationale (PMI), où les immigrants ne sont pas filtrés par Québec, mais M. Cliche-Rivard estime que la situation pourrait changer sans que l’accord soit rouvert. À son avis, M. Legault demande des pouvoirs qu’il a déjà.

Meilleure protection des aînés locataires

« Nous sommes ouverts à regarder ça », dit Legault

Après l’avoir écartée, François Legault ouvre la porte à une amélioration de la protection des aînés locataires par un élargissement de la « loi Françoise David ».

« Pour revenir à votre demande de mieux protéger les aînés des impacts de la crise du logement, nous sommes ouverts à regarder ça », a affirmé le premier ministre mardi dans un message adressé au chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau Dubois, qu’il a diffusé sur les réseaux sociaux.

Il y a deux semaines, la Coalition avenir Québec avait appelé un projet de loi de Québec solidaire, qui voulait bonifier la loi Françoise David, adoptée en 2016, selon laquelle un aîné de plus de 70 ans avec un revenu très faible qui habite son logement depuis plus de 10 ans ne peut être évincé. QS souhaite élargir les critères pour inclure les personnes de 65 ans et plus qui vivent dans leur logement depuis au moins cinq ans.

« Regardons ça ensemble, de bonne foi, et voyons si nous pouvons trouver des solutions raisonnables », a-t-il indiqué, tout en s’inquiétant des « effets pervers » que pourrait avoir un resserrement de la loi.

Avec Hugo Pilon-Larose et Mélanie Marquis, La Presse