(Ottawa) Le Mexique a renoncé à imposer des représailles au Canada pour sa décision de ramener le visa obligatoire pour ses ressortissants. Mais la restriction migratoire aurait-elle entraîné l’annulation du sommet des « Trois Amigos », qui devait avoir lieu au Canada ? À ce sujet, c’est silence radio au gouvernement Trudeau.

Ce qu’il faut savoir

Le gouvernement canadien a réimposé le visa obligatoire aux voyageurs mexicains le 29 février dernier, avec quelques exceptions.

Ulcéré par la décision, le président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, avait menacé le Canada de répliquer avec des sanctions.

Il a aussi annoncé son boycottage du sommet des « Trois Amigos », qui devait avoir lieu au Canada.

Le sort de la rencontre trilatérale ne semble pas avoir été décidé, sur fond de présidentielles à venir au Mexique et aux États-Unis.

Le tour de vis annoncé en février dernier par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Marc Miller, avait été accueilli de manière glaciale à Mexico.

« Le Mexique regrette cette décision et estime qu’il existait d’autres options avant de mettre en place cette mesure » et « se réserve le droit d’agir en réciprocité », prévenait le ministère des Affaires étrangères.

Le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, surnommé « AMLO », avait décrié une « approche unilatérale et irrespectueuse », et il n’avait pas écarté l’idée de frapper le Canada de sanctions économiques.

À Ottawa, le ministre Miller n’avait pas été étonné par la colère exprimée dans le camp mexicain, concédant qu’une « gamme de choix » s’offrait à eux « dans les jours et les semaines à venir ».

L’option de riposter a été mise de côté.

« Nous considérons ce dossier comme fermé. Il n’y aura pas de mesures de réciprocité », a signalé mardi un porte-parole de l’ambassade du Mexique au Canada.

Au bureau du ministre Miller, on a réagi de façon plutôt laconique, sans doute pour éviter de célébrer après avoir infligé un camouflet à un pays allié.

« Le Canada et le Mexique entretiennent de bonnes relations de coopération, qui n’ont cessé de se renforcer au cours des huit dernières années », s’est-on contenté de déclarer dans un courriel, mercredi.

Le Mexique n’a pas non plus frappé son partenaire nord-américain de sanctions commerciales.

Au chapitre économique, d’ailleurs, le gouvernement canadien travaille en coulisse dans l’espoir de maintenir une harmonie avec le gouvernement mexicain, d’après nos informations.

Car un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait compliquer l’obligatoire réexamen de l’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM), en 2026, et Ottawa veut pouvoir compter sur Mexico.

Quid du sommet des « Trois Amigos » ?

Le sommet des « Trois Amigos », prévu au Québec ce mois-ci, aurait pu s’avérer une occasion toute désignée de mettre la table en vue de cette révision du pacte commercial.

Le premier ministre Justin Trudeau « s’est réjoui d’accueillir le président López Obrador au Canada », selon un compte-rendu d’un entretien entre les deux hommes en marge du sommet de l’APEC.

Mais ça, c’était le 17 novembre dernier.

« S’il n’y a pas de traitement respectueux, je ne participerai pas », a protesté Andrés Manuel López Obrador le 28 février dernier, en réaction au retour du visa obligatoire pour ses compatriotes.

« De plus, il ne me reste que sept mois [avant de quitter la présidence], et je n’aime pas beaucoup voyager », a-t-il poursuivi lors de l’une de ses conférences de presse quotidiennes.

Le bureau du premier ministre Trudeau, censé être l’hôte du sommet, a refusé de dire si celui-ci était annulé. « Nous n’avons pas de nouvelles à confirmer pour le moment », a écrit le porte-parole Mohammad Hussain.

En fait, le gouvernement canadien n’a jamais confirmé la tenue de la rencontre.

L’information a toutefois été communiquée aux médias locaux par le gouvernement mexicain, le 7 février, soit trois semaines avant le resserrement migratoire annoncé par Ottawa.

Et finalement, « notre compréhension est que le sommet n’a pas lieu », a-t-on indiqué mardi à l’ambassade du Mexique au Canada.

La dernière rencontre du genre a eu lieu à Mexico en janvier 2023.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le président des États-Unis, Joe Biden, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, et le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, à l’occasion du dernier Sommet des leaders nord-américains, en janvier 2023

Le Canada en avait été l’hôte en juin 2016, à Ottawa, alors que Justin Trudeau avait déroulé le tapis rouge à Barack Obama et à Enrique Peña Nieto.

La tradition a été rompue sous l’administration Trump avant de reprendre sous la gouverne de Joe Biden.

Un changement « nécessaire »

Les libéraux avaient fait de la levée de l’obligation de visa une promesse électorale pendant la campagne de 2015.

Décrétée sous les conservateurs de Stephen Harper en 2009 pour endiguer le flot de fausses demandes d’asile, la mesure avait provoqué un froid diplomatique entre Ottawa et Mexico.

L’accroissement considérable des demandes d’asile de Mexicains a eu raison de l’ouverture libérale.

« En 2023, les demandes d’asile de citoyens mexicains représentaient 17 % de toutes les demandes déposées cette année-là, toutes nationalités confondues », a justifié Marc Miller en annonçant le verdict.

Et puisque « la plupart » des requêtes étaient soit rejetées, soit abandonnées, par les demandeurs, un virage était « nécessaire », a-t-il illustré.

Le calendrier électoral

Si un sommet trilatéral devait se tenir au cours des prochains mois, le calendrier complique les choses : les électeurs de deux des trois amigos seront bientôt appelés aux urnes.

L’élection présidentielle mexicaine aura lieu le 2 juin prochain. La favorite est Claudia Sheinbaum, issue du même parti de gauche qu’Andrés Manuel López Obrador.

Aux États-Unis, la présidentielle est le 5 novembre prochain ; on saura alors qui, de Joe Biden ou de Donald Trump, l’emportera dans ce match revanche.