(Ottawa) Bien qu’elle ait coûté près de 60 millions de dollars, ArriveCAN revient trois fois moins chère que le papier, se défend l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). D’importants dépassements de coûts ont entouré le développement de cette application controversée qui est peu utilisée aujourd’hui.

« Je crois qu’ArriveCAN a fourni un bon rapport qualité-prix. Je ne crois pas que c’était le meilleur rapport qualité-prix pour le contribuable », a reconnu son vice-président de la direction générale du contrôle, Jonathan Moor, en comité parlementaire mardi.

Les députés tentent toujours de faire la lumière sur le fiasco financier entourant le développement de l’application. Quatre fonctionnaires de l’ASFC ont été appelés à témoigner au comité des opérations gouvernementales de la Chambre des communes.

La Presse révélait mardi qu’ArriveCAN n’est plus utilisée que par 13 % des voyageurs. Elle sert toujours à faire les déclarations de douane et d’immigration dans les dix grands aéroports au pays, mais elle n’est plus obligatoire depuis la levée des mesures sanitaires à la frontière en octobre 2022. L’ASFC projette de la déployer aussi aux postes frontaliers terrestres comme c’était le cas durant la pandémie.

Le coût annuel pour la maintenir est de 3 millions pour payer les services de technologie infonuagique qui permettent de stocker les données des utilisateurs et le soutien technique, a indiqué M. Moor.

Le coût total pour le développement de l’application s’élève à près de 60 millions, selon le rapport de la vérificatrice générale, Karen Hogan, publié le mois dernier. Plus de 60 millions de personnes l’ont utilisée durant les deux ans et demi où elle a été obligatoire, selon l’ASFC. C’est donc l’équivalent de 1 $ par utilisateur.

« Cela se compare à plus de 3 $ par personne pour le système sur papier », a fait valoir le fonctionnaire. Au début de la pandémie, on croyait qu’un objet infecté par le virus de la COVID-19 comme le papier pouvait transmettre la maladie.

Il a ajouté que l’application avait été efficace pour permettre à l’Agence de la santé publique du Canada de faire appliquer la quarantaine obligatoire qui était alors imposée aux voyageurs internationaux arrivant au pays.

Reste qu’ArriveCAN aurait pu coûter moins cher, a-t-il admis. Le développement de l’application a été sous-traité à plusieurs entreprises de dotation, comme GC Strategies et Dalian, qui ont sous-traité le travail à des pigistes en informatique se prenant une juteuse commission au passage. Les contrats octroyés atteignaient en tout 19,1 millions pour GC Strategies et 7,9 millions pour Dalian, selon les estimations de la vérificatrice générale. Les deux firmes de deux employés chacune ont contesté ces chiffres.

La vérificatrice générale a fait état de pratiques douteuses comme l’approbation de factures incomplètes et d’autorisation de tâches qui ne contenaient aucune tâche.

« Nous y avons tiré beaucoup de leçons [de cette expérience], mais nous étions dans une situation d’urgence, s’est justifié M. Moor. Nous avons surutilisé les sous-traitants, ce que nous aurions moins fait si nous avions eu plus de temps. »

Il a expliqué que l’erreur administrative a été de ne pas déterminer un centre de coût avec un code séparément pour ArriveCAN dès la première année du projet, ce qui fait que d’autres dépenses opérationnelles se sont retrouvées à être comptabilisées dans le coût de l’application.

Le fonctionnaire a indiqué que l’ASFC était en train de revoir l’ensemble des factures afin de déterminer si elle avait versé des sommes en trop. Il a promis de tenter de la récupérer s’il s’avère qu’elle a été surfacturée par ses fournisseurs.

Des mesures ont été prises pour renforcer le processus d’attribution de contrats au sein de l’ASFC. Le personnel clé a dû suivre quatre cours sur les règles entourant l’approvisionnement, un comité a été mis sur pied pour revoir tous les contrats et autorisations de tâche dépassant 45 000 $ et un nouveau programme est élaboré pour assurer une tenue appropriée des registres financiers.