(Ottawa) Le gouvernement fédéral s’attend à trouver d’autres cas de fraude comme celle mise au jour mercredi. Trois sous-traitants en technologies de l’information ont facturé frauduleusement 5 millions à près de 40 ministères et sociétés d’État entre 2018 et 2022, a révélé le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada (SPAC). Les ministres Jean-Yves Duclos et Anita Anand en ont profité pour annoncer une série de mesures pour resserrer les règles.

La fraude n’est pas liée au scandale d’ArriveCAN

« Ces cas de facturation frauduleuse sont inacceptables », a déclaré le ministre Duclos. Les trois individus épinglés par le Ministère « n’ont rien à avoir avec ArriveCAN », a spécifié l’une de ses hautes fonctionnaires lors d’une séance d’information pour les médias.

SPAC a découvert le stratagème après avoir reçu des dénonciations par l’entremise d’une ligne téléphonique mise sur pied à cet effet en 2017. L’usage de techniques d’analyse de données lui a permis de constater que ces trois consultants avaient facturé les mêmes heures de travail effectuées le même jour à divers ministères et sociétés d’État, 36 au total, dans le cadre de leurs contrats.

Le Ministère n’a pas voulu préciser quels ministères ou organismes étaient touchés ni révéler le nom des individus fautifs. Leurs cotes de sécurité ont été suspendues et le dossier a été transmis à la GRC. Le ministère a également entamé des démarches pour tenter de récupérer l’argent payé en trop.

La fraude n’aurait rien à voir avec la suspension au cours des dernières semaines de la cote de sécurité de GC Strategies et de Dalian, deux firmes au cœur du scandale d’ArriveCAN, ont insisté les hauts fonctionnaires. Entre cinq et dix autres cas de fraude potentielle font l’objet d’une enquête interne. Le Ministère s’attend à ce qu’il y en ait plus puisqu’il allouera davantage de ressources pour détecter la fraude.

Ottawa se dote d’un bureau de l’intégrité

Pour mieux lutter contre ces cas de fraude, SPAC mettra sur pied un Bureau de l’intégrité et de la conformité des fournisseurs en mai 2024. L’annonce a été faite mercredi par le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos, et la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, plus d’un mois après la publication du rapport de la vérificatrice générale sur les dépassements de coûts entourant l’application ArriveCAN.

Ce nouveau bureau aura 30 nouveaux employés et un budget annuel de six millions. Essentiellement, il donnera de nouveaux outils au Ministère pour détecter la fraude et agir. « Ça élargit considérablement les raisons pour lesquelles le bureau et le Ministère pourraient vouloir faire des enquêtes et suspendre des contrats ou radier des fournisseurs », a expliqué M. Duclos. Comme le dépôt d’accusations ou un jugement de culpabilité en cas de corruption municipale, de financement de terrorisme, de traite de personne ou de travail forcé, ce que ne permettait pas le régime d’intégrité mis sur pied en 2015.

L’analyse des données pour identifier de nouveaux cas potentiels de fraude en fera aussi partie. « Les technologies de l’information nous permettent maintenant de faire ce travail, particulièrement depuis la COVID-19, a-t-il ajouté. […] 98 % maintenant des contrats du gouvernement canadien se font de manière électronique, ce qui permet d’échanger ces informations électroniques entre les ministères et d’arriver à ce genre de constat que l’on voit aujourd’hui. »

Déclenchement d’une 14enquête

Le contrôleur général entreprendra dès le mois d’avril « un audit horizontal », c’est-à-dire qu’il examinera la gouvernance, la prise de décision et les contrôles pour les contrats avec des firmes de consultants, « dans un certain nombre de grands ministères ». Cela porte donc à 14 le nombre d’enquêtes lancées dans la foulée des dépassements de coûts de l’application ArriveCAN depuis 2022.

Le résultat de cet audit est attendu en décembre et servira à déterminer si d’autres mesures de contrôle sont nécessaires. Le Conseil du Trésor a également mis à jour son guide à l’intention des gestionnaires sur l’embauche de consultants et ordonné qu’un ménage soit fait dans les données ouvertes du gouvernement pour éviter toute confusion sur le montant des contrats accordés à des firmes externes. « Nous allons être encore plus stricts sur nos attentes envers les sous-ministres et les gestionnaires avant la conclusion de contrats avec des tiers », a affirmé la ministre Anand.

La Directive sur les conflits d’intérêts sera aussi revue concernant les fonctionnaires qui effectuent également du travail de consultant pour le gouvernement en dehors de leurs heures de travail. Les sanctions pourraient être renforcées.

Le cas de David Yeo, qui a fait les manchettes, est d’autant plus frappant qu’il a été embauché comme fonctionnaire pour la Défense nationale le jour même où son entreprise Dalian a obtenu un contrat du même ministère pour du travail de consultant en technologies de l’information. « Il n’avait pas déclaré son conflit d’intérêts et c’est pour ça que ça a pris plus de temps de le savoir », a-t-elle confirmé.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Trois sous-traitants en technologies de l’information ont facturé frauduleusement 5 millions à près de 40 ministères et sociétés d’État entre 2018 et 2022, a révélé le ministère des Services publics et de l’Approvisionnement du Canada.

En savoir plus
  • 34 milliards
    Somme allouée annuellement pour l’ensemble de l’approvisionnement du gouvernement fédéral
    Le ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Jean-Yves Duclos