Le Québec n’obtiendra pas les pleins pouvoirs en immigration. Justin Trudeau a refusé vendredi la demande de François Legault, qui souhaite freiner et diminuer l’afflux de demandeurs d’asile.

Ce qu’il faut savoir

  • Justin Trudeau a refusé vendredi la demande de François Legault d’exercer les pleins pouvoirs en matière d’immigration.
  • François Legault soutient que la capacité d’accueil du Québec est dépassée et souhaite freiner et diminuer l’afflux de demandeurs d’asile.
  • Les deux premiers ministres devraient refaire le point d’ici le 30 juin.

« Non, nous n’allons pas donner plus de pouvoirs en immigration », a déclaré vendredi matin le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en mêlée de presse. Il rappelle que le Québec possède déjà plus de pouvoir en immigration que les autres provinces.

Ce dernier a toutefois déclaré avoir eu une rencontre « extrêmement constructive » vendredi matin avec son homologue, notamment sur l’immigration, la santé et la croissance économique.

Le peuple du Québec a toujours été accueillant, mais actuellement, on a dépassé notre capacité d’accueil. C’est pour ça que j’ai réitéré la demande du Québec de rapatrier les pleins pouvoirs en matière d’immigration. C’est important pour protéger la langue et l’identité de la nation québécoise. Malheureusement, M. Trudeau a réitéré son refus.

François Legault, premier ministre du Québec en conférence de presse

En cas de refus, « on va évaluer nos options, et il y a des options qui se présentent », avait déclaré Legault la veille. Vendredi, il n’a toutefois pas voulu s’avancer sur ses options. « Quand on va être prêt, on va vous le dire. »

Le gouvernement du Québec réclame 1 milliard de dollars pour éponger la facture des services rendus aux demandeurs d’asile. Jusqu’ici, Ottawa a accordé 100 millions à Québec et a réimposé le visa pour une bonne partie des Mexicains qui désirent venir au Canada.

Justin Trudeau a reconnu « que ça fait longtemps que le Québec fait plus que sa part en termes de demandeurs d’asile », ce qui exerce une pression sur le budget de la province et sur les systèmes de santé et d’éducation. « C’est pour ça qu’on est là pour travailler avec Québec pour assurer qu’on est en train de reconnaître ce qu’ils sont en train de faire, enlever de la pression et aussi avoir de la compensation. »

« Notre capacité d’accueil est dépassée »

« Notre capacité d’accueil est dépassée, a affirmé M. Legault. Il nous manque d’enseignants, il nous manque d’infirmières, il nous manque de logements et ça pose un véritable problème pour l’avenir du français au Québec. La grande majorité de ces personnes, leur admission relève du gouvernement fédéral. Donc j’ai demandé à M. Trudeau de poser des gestes immédiatement ou rapidement. »

Justin Trudeau se serait montré disposé à ce que les travailleurs temporaires qui relèvent d’Ottawa soient d’abord approuvés au Québec, soutient Legault. Il se serait également dit ouvert au resserrement des visas pour les étrangers qui viennent au Québec et au Canada, comme c’est le cas pour les Mexicains.

M. Trudeau semblerait enclin à ce que le traitement des dossiers des demandeurs d’asile soit accéléré. « On parle de 18 mois. J’ai demandé pour voir si c’est possible de réduire ça à 6 mois », a déclaré M. Legault. Enfin, Justin Trudeau aurait montré une ouverture à ce que la connaissance du français devienne une exigence pour les travailleurs temporaires choisis par Ottawa et à ce que certains travailleurs temporaires soient refusés lors du renouvellement de leur permis.

Les deux premiers ministres devraient refaire le point d’ici le 30 juin. « Entre-temps, le gouvernement du Québec examine toutes ses options pour réduire rapidement le nombre de demandeurs d’asile et de travailleurs temporaires au Québec. »

Trudeau a bon espoir de conclure un accord en santé

Vendredi matin, Justin Trudeau s’est dit « très confiant » d’arriver à un accord avec Québec avant la fin du mois concernant les transferts fédéraux en santé. « On va être là pour s’assurer que les Québécois ont le meilleur service », a-t-il soutenu.

Pour ce qui est du régime national d’assurance médicaments et du régime fédéral d’assurance dentaire, le premier ministre fédéral a dit être « en train de discuter avec Québec sur comment ou si on peut arrimer nos programmes et s’assurer qu’il y a un partage des compétences ».

Pour François Legault, il est hors de question que Québec laisse le champ libre à Ottawa pour créer un régime d’assurance médicaments dans la province.

La seule option qui s’offre au gouvernement libéral, s’il tient mordicus à créer un tel programme dans le reste du pays, est d’offrir une pleine compensation financière sans condition au Québec, avait affirmé le ministre de la Santé, Christian Dubé, dans une entrevue avec La Presse à la fin de février.

Avec Tommy Chouinard et Joël-Denis Bellavance, La Presse

François Legault n’a pas lu le récent jugement de la Cour suprême

Le premier ministre François Legault n’a pas lu le récent jugement de la Cour suprême, qui a mené à une motion adoptée à l’unanimité jeudi à l’Assemblée nationale pour dénoncer l’utilisation de l’expression « personne ayant un vagin ». « Moi, je ne l’ai pas lu. Mais je veux m’assurer qu’on défende les femmes du Québec », a déclaré en conférence de presse le premier ministre lorsqu’on lui a demandé ce qu’il a retenu du jugement. Combien de ses députés ont lu le jugement en question ? « Je ne sais pas, il faudrait que je pose la question », a répondu le premier ministre, réitérant que ce « qui est important, par contre, c’est qu’on est là pour défendre les femmes du Québec ». Jeudi, la ministre responsable de la Condition féminine, Martine Biron, a présenté une motion qui proclame que l’Assemblée nationale « se dissocie de l’utilisation de termes ou de concepts contribuant à invisibiliser les femmes ». La motion a été adoptée à l’unanimité jeudi par la centaine de députés présents à l’Assemblée nationale. La formulation « personne ayant un vagin » apparaît une seule fois dans le jugement, contre 67 fois pour le mot « femme ».