(Québec) Les consultations sur le projet de loi 51 qui vise à moderniser l’industrie de la construction ont débuté dans un climat de tensions. La FTQ-Construction dit être contre la pièce législative qui pourrait, selon elle, envenimer les relations de travail dans le milieu de la construction.

« Qu’est-ce qu’on veut créer ? On veut tu créer un climat harmonieux dans l’industrie de la construction ou on veut recréer un climat où il va y avoir des conflits de travail et des relations de travail houleuses ? C’est la question que je pose », a lancé le directeur général de la FTQ-Construction, Éric Boisjoly, lors des consultations sur la pièce législative qui ont commencé mardi à l’Assemblée nationale.

Le projet de loi 51, déposé en février par le ministre du Travail, Jean Boulet, vise à assurer une plus grande mobilité des travailleurs entre les régions du Québec et à accroître la polyvalence des travailleurs en permettant un partage de tâches entre certains métiers. Un peintre pourrait faire les tâches d’un plâtrier, par exemple. Si les organisations patronales ont en général applaudi le dépôt de ce projet de loi, il en est autrement des syndicats, qui s’inquiètent des répercussions sur leurs membres.

La FTQ, qui représente 90 000 membres, soutient qu’une plus grande mobilité pourrait faire en sorte que des travailleurs de certaines régions se retrouvent avec moins d’ouvrage. L’association syndicale a également des craintes pour la santé et la sécurité de ses membres si le gouvernement va de l’avant avec le volet de la polyvalence.

M. Boisjoly prévoit que si le projet de loi est adopté, le mécontentement pourrait être encore plus fort lors des prochaines négociations. « En octobre, on dénonce nos conventions collectives et de là commence la ronde de négociations. Là, on va pouvoir se faire entendre légalement avec nos travailleurs », a-t-il affirmé. Des syndiqués ont manifesté devant l’Assemblée nationale mardi pour s’opposer au projet de loi.

Les appréhensions de la FTQ sont partagées par le député solidaire Alexandre Leduc. « Ça peut créer un climat de tensions. On se rappelle des épisodes pas toujours agréables de blocages de route sur la Côte-Nord. On se rappellera des Rambo Gauthier de ce monde. Je n’ai pas envie qu’on génère un contexte qui va produire un nouveau Rambo Gauthier », a-t-il affirmé.

Questionné par la députée libérale, Filomena Rotiroti, à savoir si la FTQ s’opposait à l’ensemble du projet de loi, le leader syndical a répondu : « On n’est pas contre la modernisation, mais on est contre le projet de loi, oui. »

« Pas un bar ouvert »

Jean Boulet a écouté les critiques des syndicats tout en défendant sa pièce législative. Selon lui, autant au niveau de la mobilité que de la polyvalence, il y aura des mécanismes de contrôle. « La polyvalence, ce n’est pas un bar ouvert », a-t-il assuré.

« C’est un projet de loi qui vise à permettre l’arrivée de nouvelles personnes et améliorer la productivité. […] J’ai toujours répété que le projet de loi se voulait modéré à la quête d’un équilibre et aussi perfectible », a ajouté le ministre. Selon l’Association de la construction du Québec, il manquait plus de 12 000 travailleurs dans le secteur de la construction en 2023.

Les arguments de M. Boulet n’ont visiblement pas convaincu Éric Boisjoly, qui a répété à plusieurs reprises que ce que proposait le ministre était « inacceptable ».

Un autre point de litige entre le gouvernement et la FTQ concerne les rétroactions salariales. À l’heure actuelle, lorsque les parties négocient le renouvellement des conventions collectives dans la construction et parviennent à s’entendre, les augmentations convenues ne sont pas rétroactives à l’échéance de la précédente convention, comme c’est le cas dans les autres secteurs d’activité économique.

Le projet de loi du gouvernement leur permettrait de le faire, mais on propose que la rétroactivité soit faite à partir d’un fonds qui serait géré par la Commission de la construction du Québec (CCQ). La FTQ-Construction est favorable à la rétroaction salariale, mais souhaite que les modalités soient négociées entre le syndicat et l’employeur uniquement. « Une vraie rétroactivité, c’est qu’on s’entend avec le patronat sur un pourcentage applicable à la signature de la convention collective », a affirmé Éric Boisjoly.