(Ottawa) Après avoir remis en question la pérennité du financement à l’UNRWA, le gouvernement canadien confirme que le robinet ne sera finalement pas fermé. Dans l’intervalle, les Forces armées fourniront à la Jordanie quelque 300 parachutes pour larguer des fournitures essentielles dans le ciel de Gaza.

« Cette décision est prise en reconnaissance des processus sérieux et significatifs en cours pour [régler] les problèmes de l’UNWRA et du rôle essentiel que joue l’UNRWA en fournissant de l’aide vitale à plus de deux millions de Palestiniens », a déclaré vendredi le ministre du Développement international, Ahmed Hussen.

Le Canada et une quinzaine de bailleurs de fonds avaient coupé les vivres à l’organisation, fin janvier, après qu’Israël eut allégué que 12 de ses employés auraient pris part aux attentats terroristes du Hamas, le 7 octobre dernier.

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a promptement congédié la douzaine d’employés, et une enquête dirigée par l’ex-ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna a été lancée.

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L’ex-ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna

Le ministre Ahmed Hussen a affirmé qu’Ottawa avait été « rassuré » par les constats du rapport provisoire sur cette question, dont la version finale – que les Nations unies ont promis de rendre publique – est attendue d’ici la fin avril.

Il y a quelques jours, l’État hébreu a formulé de nouvelles accusations contre l’agence onusienne, alléguant que 450 de ses employés à Gaza étaient des militants du Hamas. Les autorités israéliennes n’ont toujours pas fourni de preuves à l’appui de ses dires.

La malnutrition, voire la famine, guette la population de la bande de Gaza, a récemment prévenu le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, à l’issue d’une première visite de représentants de l’agence dans la bande de Gaza.

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Des enfants palestiniens souffrant de malnutrition sont soignés dans un centre de santé à Rafah.

Une visite dans l’enclave a permis de faire de « sinistres découvertes », a-t-il écrit lundi dernier sur X – des trouvailles comme des « niveaux graves de malnutrition » et des « enfants qui meurent de faim », dont dix morts faute de nourriture à l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de Gaza.

Parachutage d’aide

Le ministre Ahmed Hussen a également annoncé vendredi que les Forces armées canadiennes fourniraient quelque 300 parachutes à la Force aérienne royale jordanienne afin de l’aider à effectuer des parachutages de fournitures essentielles à Gaza.

Le gouvernement canadien reconnaît, cela dit, que « les parachutages ne remplacent absolument pas les livraisons par voie terrestre ou maritime » et « continue de demander l’ouverture de davantage de points d’entrée, l’élargissement de l’accès ».

Larguer de l’aide par voie aérienne est un « placebo », estime Chris Houston, anciennement à l’OMS. « Si on fait le calcul, 300 parachutes, c’est environ 13 largages, et il faut environ 50 largages par jour pour répondre aux besoins de la population gazaouie », illustre-t-il.

Et c’est dangereux, poursuit celui qui a notamment œuvré au Yémen alors que la population mourait de faim. Les nouvelles de Gaza lui donnent raison : vendredi, cinq personnes ont été tuées par la chute d’un colis d’aide humanitaire. « Même le petit peu d’aide qu’on envoie fait des victimes », s’inquiète-t-il.

Vives réactions et menace de poursuite

Le Parti conservateur, qui avait coupé l’aide sous le gouvernement de Stephen Harper en 2010, s’opposait bec et ongles au rétablissement de l’aide canadienne – aucun paiement à l’UNRWA n’a été annulé ; ce qui était en jeu, c’était le versement de 25 millions prévu en avril prochain.

Aussi la réaction conservatrice, au vitriol et teintée de sarcasme, n’a-t-elle pas tardé, vendredi.

« Avec la preuve que des employés de l’UNRWA ont participé aux meurtres, aux viols et à la prise d’otages du 7 octobre, le Canada rétablit le financement […] Récompenser les violeurs à l’occasion de la Journée internationale des femmes. Horrible. Dégoûtant », a fustigé la cheffe adjointe Melissa Lantsman.

Il faut dire que la décision ne fait pas non plus l’unanimité dans le camp libéral, comme en témoigne la sortie des députés Anthony Housefather et Marco Mendicino.

Selon eux, l’agence onusienne fondée en 1949 « ne dispose pas d’une gouvernance et de contrôles internes suffisants » pouvant garantir que l’aide humanitaire fournie par le Canada se rendra à bon port, et « il existe un risque sérieux que des fonds soient détournés par le Hamas », jugent-ils.

À l’inverse, le néo-démocrate Alexandre Boulerice s’est réjoui de ce changement de cap. « Le financement n’aurait jamais dû être suspendu. Une enquête devait être effectuée, mais on ne peut punir ainsi des milliers de familles affamées à Gaza. C’était une décision injustifiée et cruelle », a-t-il écrit sur le réseau X.

De son côté, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA) a vite annoncé son intention de saisir les tribunaux. « Je serai très clair : nous prévoyons contester cette décision devant les tribunaux », a signalé Richard Marceau, avocat-conseil au CIJA.

Avec l’Agence France-Presse

L’histoire jusqu’ici

  • 26 janvier
    Les autorités israéliennes accusent 12 employés de l’UNRWA d’avoir pris part aux attentats du Hamas du 7 octobre. Ces employés sont congédiés. Presque aussitôt, d’importants bailleurs de fonds comme les États-Unis (1er), l’Allemagne (2e), la Suède (4e) et la Norvège (5e) suspendent leur financement. Le Canada (11e) aussi.
  • 5 février
    L’ONU charge l’ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna d’enquêter.
  • 8 mars
    Le Canada annonce la fin du gel de ses contributions à l’UNRWA.