(Québec) Des associations de maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale lancent un cri du cœur. Dans le contexte où des projets pour ajouter des places d’hébergement sont mis à l’arrêt en raison d’embûches liées à leur financement, elles demandent au premier ministre François Legault de réunir à une même table l’ensemble des intervenants gouvernementaux qui financent leur création pour instaurer, une fois pour toutes, un programme qui leur est destiné.

Ce qu’il faut savoir

  • Des associations de maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale demandent une intervention de François Legault pour dénouer une impasse financière et créer un nouveau programme qui leur serait destiné.
  • L’actuel programme qui finance la création de nouvelles places d’hébergement ne prend pas en considération plusieurs besoins cruciaux, dénoncent-elles.
  • Dans ce contexte, des projets sont désormais mis à l’arrêt, la création de centaines de places est compromise et le financement mis sur la table par Ottawa pourrait être retiré, craignent-elles.

En entrevue avec La Presse, l’Alliance des maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale (Alliance MH2), le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale et la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes affirment que le financement pour l’ajout de nouvelles places, qui entre dans le programme du logement social en partenariat avec la Société d’habitation du Québec, est « inadéquat, illogique et incompréhensible ».

En décembre dernier, ces associations avaient déjà dénoncé le fait que le programme de financement excluait en partie le calcul des frais associés à l’aménagement d’espaces nécessaires dans les maisons, comme des salles d’intervention fermées, des cuisines communes et de nombreuses mesures de sécurité, entre autres. Elles prévenaient alors que plus de 200 places destinées à des femmes et des enfants à haut risque d’être tués dans un contexte de violence conjugale pourraient ne pas voir le jour.

Trois mois plus tard, elles estiment que le programme, qui n’est pas adapté à leurs besoins, met désormais en péril 68 nouvelles places dans les maisons d’hébergement de première étape (qui répondent aux besoins d’urgence) et 568 nouvelles places dans celles de deuxième étape (qui accueillent les femmes vivant toujours avec des problèmes de sécurité majeurs à leur sortie d’un refuge d’urgence), pour un total de 630 nouvelles places bloquées.

Le financement mis sur la table par Ottawa pourrait également être compromis, s’inquiètent-elles.

« Le programme actuel, pas adapté, vient de forcer l’arrêt de deux projets en Abitibi-Témiscamingue, de deux projets à Montréal, d’un projet à Québec et d’un projet à Thetford Mines. Plusieurs autres projets sont menacés dans les Laurentides, notamment. Des subventions fédérales totalisant plusieurs millions de dollars seront perdues si elles ne sont pas utilisées », affirment les trois organismes.

Se sortir d’un cercle vicieux

Selon Louise Riendeau, coresponsable des dossiers politiques au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, la situation actuelle s’apparente à un « cercle vicieux ».

« Ces projets sont attendus par le réseau de la santé, qui compte sur ces places pour aider à répondre aux besoins des femmes et des enfants victimes de violence conjugale, […] mais on est pris dans un cercle vicieux [sur le plan du financement] qui fait qu’on n’est pas capable de répondre aux besoins des femmes », dénonce-t-elle.

Maud Pontel, coordonnatrice générale de l’Alliance MH2, s’inquiète aussi pour les montages financiers des projets mis à l’arrêt, alors que les besoins sont criants et que le taux d’occupation des maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale atteint dans certaines régions plus de 100 %.

Le fait d’attendre aussi longtemps fait en sorte qu’on a des donateurs privés qui voulaient soutenir les projets qui se retirent, parce qu’ils ont le sentiment que les projets n’aboutissent pas.

Maud Pontel, coordonnatrice générale de l’Alliance MH2

« La situation actuelle fragilise l’existence des maisons d’aide et d’hébergement qui portent ces projets. Elles s’en sont fait garantir le financement par les gouvernements. Or, plusieurs assument les intérêts de prêts hypothécaires leur permettant d’amorcer les différents travaux, les frais d’architectes, les frais de décontamination des terrains. Avec des projets stoppés, elles paient pour rien », ajoutent d’une même voix les trois associations.

Le rappel d’une promesse

Les représentantes des associations de maisons d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale rappellent aussi que le gouvernement a voté en faveur d’une motion déposée au Salon bleu en décembre dernier par la députée libérale Brigitte Garceau, qui demandait au gouvernement de « résoudre les difficultés administratives en partenariat avec les organismes sur le terrain et de tout mettre en œuvre pour une réalisation rapide de ces places ».

Ces nouvelles places, rappellent-elles, sont également reconnues comme nécessaires par le gouvernement, qui a débloqué en 2021 un financement de 220 millions pour lutter contre la violence conjugale.

« À quelques jours de la Journée internationale du droit des femmes et du dépôt du budget du Québec, nous avons espoir que notre appel sera entendu par le premier ministre Legault », affirment-elles.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse

Quelques ressources pour les victimes de violence conjugale et leurs proches

SOS violence conjugale : 1  800 363-9010 (ligne sans frais) ou 438 601-1211 (par texto)

Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (Montréal) : 514 878-9757

Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale : 514 878-9134

Cherchez une maison d’aide et d’hébergement

Quelques ressources pour les personnes violentes et leurs proches

Groupe d’aide aux personnes impulsives, ayant des comportements violents (Québec) : 418 529-3446

Action sur la violence et intervention familiale (Montréal) : 450 692-7313