« Nous sommes pauvres, mais tout le monde l’est à Baie-Comeau. » Brian Mulroney cite son père dans son autobiographie, Mémoires. Le fils de Benedict, électricien à la Quebec North Shore Paper Company, évoque sa prime jeunesse passée dans cette ville champignon, égalitaire, qui devait son existence à la présence d’une compagnie papetière dont la production était destinée au Chicago Tribune.

Brian Mulroney naît le 20 mars 1939, un an après que sa famille, originaire de Shannon, près de Québec, eut déménagé sur la Côte-Nord.

Premières années, premiers boulots déjà pour le jeune Brian. À 10 ans, l’aîné de deux garçons – la famille comptera six enfants – lave déjà les légumes au magasin général de la Hudson’s Bay Company. Plus tard, il sera manutentionnaire puis conduira des camions. Tout l’argent gagné est destiné à sa mère, même le billet de 50 $ que lui donne le colonel McCormick, patron américain de la papetière Chicago Tribune Company, pour avoir chanté à l’anniversaire de sa femme.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Buste de Brian Mulroney devant l'hôtel de ville de Baie-Comeau

On parle anglais à la maison, mais Brian Mulroney ira à l’école française. Un choix guidé par la religion. L’école anglaise de Baie-Comeau est protestante. Or, les Mulroney sont de fervents catholiques, comme la plupart des Irlandais.

Le futur premier ministre sera toujours sensible à la condition des groupes minoritaires ; il l’a été comme catholique entouré de protestants, comme anglophone dans une société francophone.

C’est encore la religion qui dicte son parcours scolaire. Il devient pensionnaire au collège St. Thomas de Chatham, au Nouveau-Brunswick. Rapidement le malingre Bones (les os) se démarque par son éloquence ; les prix oratoires s’accumulent. Après son secondaire, il pensait rentrer à la maison ; c’était sans compter sur la détermination de son père. Brian Mulroney ira à l’université, à St. Francis Xavier, en Nouvelle-Écosse, établissement anglophone… et catholique.

C’est l’époque où il se rapproche du Parti conservateur. Il offre ses services à Lowell Murray, président des jeunes bleus du campus. Murray sera plus tard ministre de Brian Mulroney, puis sénateur conservateur. Il se lie aussi d’amitié avec Fred Doucet, qui restera longtemps un proche conseiller.

Le début d’une identité politique

En décembre 1956, le Parti progressiste-conservateur tient un congrès à Ottawa pour se choisir un chef. Mulroney remplace Murray au pied levé, avec le mandat d’appuyer Davie Fulton. Le futur magnat de la radiodiffusion Ted Rogers l’invite dans l’organisation de John Diefenbaker. Le jeune néophyte appuie le vieux lion, une décision qui va changer sa vie.

L’année suivante, Dief est élu premier ministre, mais son mandat est fragile. Mulroney achève ses études à St. Francis Xavier. Son mémoire final dépeint la Confédération comme un pacte entre deux peuples fondateurs, plutôt que l’union de dix provinces. Le discours sur l’unité canadienne est convenu, certes, mais il annonce déjà la position que le futur premier ministre défendra quelques décennies plus tard. « Le Québec et ses habitants sont différents du reste du Canada. Mais pas de manière irréconciliable », écrit le jeune étudiant.

Par courrier, il avait sollicité l’avis de bon nombre d’universitaires. L’un d’eux a été généreux de ses conseils : Pierre Elliott Trudeau.