(Québec) François Legault persiste et signe : pouvoir inscrire un enfant au guichet unique d’accès au réseau de services de garde subventionnés doit exclure les demandeurs d’asile et leurs enfants. Le premier ministre dit qu’il s’agit d’une question de « gros bon sens » et accuse ses adversaires d’accepter sans le contester un jugement de la Cour d’appel, « une cour fédérale ».

En matinée, jeudi, les partis d’opposition se sont tour à tour prononcés pour les demandeurs d’asile et leurs enfants puissent accéder à la Place 0-5, le guichet unique donnant accès à une place dans une garderie subventionnée ou un centre de la petite enfance, lorsqu’une place se libère.

Plus tôt ce mois-ci, la Cour d’appel a conclu que l’exclusion par le gouvernement du Québec des demandeurs d’asile du programme d’accès aux services de garde subventionnés constitue une mesure discriminatoire à l’égard des femmes et porte atteinte au droit à l’égalité protégé par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Cette décision de la cour est exécutoire depuis le 7 février, c’est-à-dire que les demandeurs d’asile qui ont un permis de travail ont le droit d’envoyer leurs enfants dans des garderies à 9,10 $ par jour.

Or, le Procureur général du Québec a depuis demandé à la Cour d’appel de ne pas forcer le gouvernement à leur ouvrir les portes des garderies subventionnées avant que la Cour suprême se penche sur le dossier. La Cour d’appel devrait se prononcer sur cette requête d’ici quelques semaines.

Pour M. Legault, le jugement de la Cour d’appel ne passe pas. « La Cour d’appel, donc une cour fédérale, vient nous dire qu’on est obligés de donner des services de garde subventionnés aux demandeurs d’asile, alors qu’on n’arrive déjà pas à en donner aux citoyens québécois ».

« [Les] services de garde subventionnés, on doit d’abord les offrir aux citoyens québécois. […] Il manque actuellement de place, on est en train de réduire [la liste d’attente] », a-t-il affirmé.

Selon le premier ministre, c’est simple : « c’est une question de gros bon sens », a-t-il dit. M. Legault a ensuite réitéré les demandes formulées plus tôt cette semaine par une brochette de ministres, qui ont dit craindre une « crise humanitaire » face à l’augmentation constante de demandeurs d’asile. Québec exige d’Ottawa qu’il répartisse mieux les demandeurs d’asile à travers le pays, dans le contexte où la province a accueilli près de 55 % des demandeurs d’asile en 2023, et que des visas soient à nouveau imposés aux ressortissants mexicains. M. Legault entend rencontrer Justin Trudeau prochainement.

La ministre de la Famille, Suzanne Roy, a pour sa part exigé du fédéral qu’il traite plus rapidement les dossiers des demandeurs d’asile. Elle a aussi défendu que d’exclure les enfants des demandeurs d’asile des places subventionnées en garderie, comme l’a fait son gouvernement, n’est pas discriminatoire, n’en déplaise à la Cour d’appel, parce que « mère et père, les enfants ont deux parents [et] ce n’est pas une discrimination sur le sexe ».

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Famille, Suzanne Roy.

« Je pense que le fédéral ne fait pas sa juste part et que le Québec fait plus que sa juste part », a-t-elle ajouté.

Les libéraux changent de position

Refuser aux demandeurs d’asile d’avoir accès aux garderies subventionnées est une histoire qui remonte à 2018. À l’époque, le gouvernement libéral avait réinterprété l’article 3 du Règlement sur la contribution réduite de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, qui indique qu’une personne est admissible aux garderies subventionnées si elle « séjourne au Québec principalement afin d’y travailler ».

En 2024, le Parti libéral a changé de position. « Nous sommes en faveur que les demandeurs d’asile puissent avoir accès aux services de garde [subventionnés]. En 2024, c’est la bonne chose à faire », a affirmé le chef par intérim Marc Tanguay, jeudi.

Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire croit pour sa part que « la CAQ devrait se brancher parce qu’ils nous disent d’un côté que les demandeurs d’asile, ça fait une pression sur l’aide sociale, mais de l’autre, ils entravent l’entrée sur le marché du travail des femmes, des mères demandeuses d’asile en fermant la porte des CPE pour ces enfants-là ».

« Permettre aux demandeurs d’asile d’aller travailler en délivrant des autorisations rapides de travail, puis en ouvrant les portes des CPE, ça va faciliter l’intégration, ça va permettre à ces gens-là de faire ce qu’ils souhaitent faire, contribuer pleinement à la société québécoise », a-t-il dit.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, croit pour sa part que tous les enfants doivent avoir accès aux garderies subventionnées.

« On veut donner accès aux CPE à tous les enfants, peu importe leur statut, mais on réitère que si on accueille beaucoup plus de personnes que notre capacité à livrer des services, ce qui est le cas en ce moment en raison des politiques fédérales irresponsables pour lesquelles le Québec n’a jamais été consulté, les droits dont on est en train de discuter devant les tribunaux sont absolument théoriques parce que dans les faits, ce qui arrive, c’est juste une liste d’attente qui va s’allonger sans capacité à livrer des services », a-t-il affirmé.