La guerre de chiffres entre Québec et Ottawa a pris une tournure plus émotive, jeudi matin, avec la décision du gouvernement Legault d’aller en Cour suprême pour exclure les enfants demandeurs d’asile des garderies subventionnées.

En point de presse, à Montréal, le lieutenant du Québec dans le gouvernement Trudeau, Pablo Rodriguez, a exprimé son « profond malaise » par l’attitude du gouvernement envers des enfants.

« Quand je lis que Québec est prêt à aller jusqu’en Cour suprême pour empêcher des enfants de fréquenter des CPE, je me dis qu’il y a quelque chose qui ne marche pas chez nous, a-t-il déclaré. Quand tu fais deux catégories d’enfants, ceux qui ont et ceux qui n’ont pas droit, j’ai un profond malaise. »,

« En tant qu’humain, étant un père, je ne comprends pas », a ajouté le ministre fédéral des Transports.

« Quand on parle de demandeurs d’asile, on ne parle pas de statistiques, de colonnes comptables, de piastres, on parle d’êtres humains, on parle d’hommes, de femmes, d’enfants, qui sont venus demander la protection du Québec, du Canada, comme ç’a été mon cas avec mes parents lorsqu’on a quitté l’Argentine. »

La contribution du Québec

M. Rodriguez avait convoqué la presse pour répondre au gouvernement du Québec qui réclame plus d’un milliard à Ottawa pour les coûts associés à l’accueil des demandeurs d’asile depuis 2021.

Il a reconnu d’emblée que le Québec « a été extrêmement généreux » et qu’il « a fait plus que sa part au niveau de l’accueil des demandeurs d’asile ». « Une fois qu’on a dit ça, que, oui, le Québec a fait plus que sa part, je pense que c’est important de rétablir certains faits, de parler de certaines choses, et aussi dire que ce n’est pas vrai qu’il y a un bon et un méchant dans cette histoire », a-t-il enchaîné.

Pour M. Rodriguez, le milliard de dollars réclamé par Québec n’est pas une « somme due », mais une « somme réclamée ». « On est prêt à s’asseoir et à regarder les sommes demandées, a-t-il dit. Mais ne venez pas dire qu’il n’y a pas de contributions d’Ottawa. Les contributions sont extrêmement importantes. Et l’autre chose, c’est que Québec contribue une partie. C’est un investissement dans son propre avenir. »

5,2 milliards

Le lieutenant du Québec a de nouveau invité le gouvernement Legault à discuter de ces questions autour d’une table. La veille, en conférence de presse, il avait reproché à Québec de négocier par médias interposés. La ministre de l’Immigration Christine Fréchette avait aussitôt rétorqué, sur le réseau X, que cette table n’existait pas : « Si le fédéral souhaite négocier à une table, qu’il la convoque ! On est plus que disponible. On a eu plusieurs rencontres à deux ministères, à quatre ministères, peu importe le nombre, le résultat est le même ».

M. Rodriguez a assuré que cette table existe bel et bien et qu’elle s’était réunie « pas plus tard que lundi ».

« Le sous-ministre de l’Immigration du Québec, le sous-ministre des Finances du Québec, leurs homologues d’Ottawa se sont réunis pour discuter exactement de ça, des détails financiers concernant l’immigration, concernant les demandeurs d’asile », a-t-il fait savoir.

« Elle est là cette table, elle existe, elle est formelle. »

Pour ce qui est des chiffres, M. Rodriguez a rappelé qu’Ottawa transfère 775 millions à Québec pour l’année 2023-2024, dans le cadre de l’accord Canada-Québec. Ce montant s’ajoute aux 727 millions pour l’année 2022-2023. « Pour les années précédentes ? Autour de 700 millions par année, a-t-il précisé. Ça, on ne peut pas dire que ça ne compte pas parce que ça fait partie de l’entente. Non, ça compte parce que c’est exactement pour ça, pour l’intégration et pour la francisation. Donc, depuis 2015, juste ce volet-là, c’est plus de 5,2 milliards. »

De plus, Ottawa a versé 437 millions depuis 2015 pour les soins de santé offerts aux demandeurs d’asile, et 440 millions pour le logement, en plus de payer des chambres dans 13 hôtels du Québec pour héberger des demandeurs d’asile.

35 %, pas 55 %

Le premier ministre François Legault affirme que 55 % des demandeurs d’asile admis au pays sont au Québec. M. Rodriguez n’est pas du même avis. « 55 % entrent au Québec, mais 25 % d’entre eux quittent le Québec », a-t-il nuancé.

Selon les données du fédéral, c’est plutôt 35 % des demandeurs d’asile accueillis au Canada, en 2022 et 2023, qui se trouvent sur le territoire québécois.

En savoir plus
  • 5370
    Nombre de demandeurs d’asile admis au Québec, en janvier 2024, contre 6950, en janvier 2023.
    Gouvernement du Canada
    2300
    Nombre de demandeurs d’asile hébergés dans une chambre d’hôtel payée par le fédéral, au Québec.
    Gouvernement du Canada