(Québec) La décision du gouvernement Trudeau d’accorder à Boeing le contrat de 9 milliards de dollars sans appel d’offres pour lui acheter 16 avions P-8A Poseidon est « malheureuse », selon François Legault, qui déplore qu’Ottawa « oublie » ainsi Bombardier.

« Si c’est le cas, c’est malheureux parce qu’on oublie une belle compagnie québécoise, Bombardier », a lâché le premier ministre en se rendant à la période de questions, mercredi.

La Presse a révélé mercredi que le gouvernement Trudeau a choisi d’accorder cet important contrat à Boeing en ne tenant pas d’appel d’offres. Cela aura pour effet d’écarter Bombardier, qui demandait une chance de rivaliser avec son concurrent américain.

La décision sera annoncée jeudi par trois ministres du cabinet fédéral : Bill Blair (Défense), Jean-Yves Duclos (Services publics et Approvisionnement) et François-Philippe Champagne (Innovation, Sciences et Industrie). Pour tenter d’apaiser la grogne, on devrait annoncer que le géant américain implantera un centre de recherche et développement dans la région de Montréal.

« Règle générale, on veut travailler avec des appels d’offres. Est-ce que Bombardier était qualifié pour faire le travail ? Je ne suis pas qualifié pour le dire, je sais que c’était leurs revendications. Je pense que c’est légitime de demander qu’un appel d’offres soit fait », a expliqué pour sa part le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.

On travaille, nous, avec Bombardier sur d’autres projets. Je pense qu’ils doivent faire une diversification de leur travail. Ils ont un très bon appareil, le Global, et on travaille avec eux pour avoir d’autres aéronefs dans le futur.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie

Le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge, affirme pour sa part avoir sensibilisé son vis-à-vis fédéral.

« Dans ma conversation avec Dominic LeBlanc [ministre fédéral des Affaires intergouvernementales], on a abordé ce sujet-là, on a exprimé à quel point c’est important pour le Québec et le gouvernement du Québec qu’il y ait un processus qui implique un appel d’offres en bonne et due forme », a indiqué M. Roberge.

Des sources gouvernementales et de l’industrie de l’aérospatiale ont confirmé à La Presse que la décision de privilégier Boeing a été prise lors d’une réunion du Cabinet la semaine dernière. Cette décision devait être entérinée par les membres du comité du Conseil du trésor lors d’une réunion extraordinaire, mardi soir à Ottawa. Ce comité est présidé par la présidente du Conseil du trésor, Anita Anand. Le ministre Jean-Yves Duclos en assure la vice-présidence. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, y siège aussi.

Le contrat vise à acheter à Boeing 16 avions P-8A Poseidon afin de remplacer la flotte des avions de surveillance CP-140 Aurora de l’Aviation royale canadienne (ARC).

La stratégie du gouvernement Trudeau pour tenter de faire passer la pilule au Québec, où le gouvernement Legault a publiquement demandé un appel d’offres, est déjà prête, d’après des notes internes préparées pour cette réunion et que La Presse a pu consulter.

On y explique notamment qu’Ottawa craint que Bombardier ne soit pas en mesure de construire l’avion dans un délai raisonnable et que cela puisse porter préjudice au ministère de la Défense nationale, qui pourrait se retrouver sans avions de surveillance au-delà de la période de 2030, au moment où le contexte géopolitique est hautement volatile.

Avec Julien Arsenault et Joël-Denis Bellavance