(Québec ) En pleine négociation, le ministre Christian Dubé sème la stupéfaction dans le monde syndical en proposant de rebrasser les catégories d’emplois des 330 000 travailleurs du réseau de la santé. « C’est la dernière chose dont le système a besoin », rétorquent les syndicats.

« On ne voit rien de bon dans ce rebrassage », a réagi la présidente de la CSN, Caroline Senneville. « Ce que le gouvernement met sur la table, c’est une longue campagne de maraudage […] quand je dis qu’on n’a pas besoin de ça, c’est ça, on n’a pas besoin de ça », a plaidé la syndicaliste qui représente quelque 120 000 travailleurs du réseau de la santé et des services sociaux.

Par ailleurs, elle estime que M. Dubé vient créer « une zone de turbulences » dans le contexte difficile des négociations alors que des journées de grève viennent d’être ajoutées par le front commun syndical et la FIQ.

« Aujourd’hui, nous sommes surtout en mode stupéfaction plutôt qu’en mode réaction », a souligné dans une déclaration la présidente de la FIQ, Julie Bouchard, qui évoque « un revirement à 180 degrés ». Le plus gros syndicat d’infirmières compte pas moins de 80 000 membres uniquement dans la catégorie 1.

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Julie Bouchard, présidente de la FIQ

« On ne voit pas la plus-value dans ça, on ne la comprend pas […] on ne voit pas l’utilité à ce mouvement-là », a déploré de son côté le secrétaire-trésorier de la CSQ, Luc Beauregard.

Le ministre de la Santé a déposé mardi une série de nouveaux amendements au vaste projet de loi 15, qui permettra de créer Santé Québec. La future société d’État deviendra l’employeur unique du réseau de la santé et aura pour effet de fusionner les conventions collectives locales. La loi devait faire passer les 136 tables de négociations actuelles à quatre grandes tables nationales, établies en fonction des quatre catégories d’emplois.

Or, Christian Dubé a choisi de rebrasser les catégories, en les faisant passer de quatre à six. Cela veut dire par exemple que les techniciens et des professionnels de soutien spécialisés et en soins cardio-respiratoires, comme les inhalothérapeutes et les perfusionnistes –, qui sont pour l’heure regroupées avec les infirmières et les infirmières auxiliaires (catégorie 1) – auraient leur propre convention collective.

Le ministre de la Santé fait aussi le ménage dans la catégorie 2 où l’on compte en ce moment des préposés aux bénéficiaires et du personnel d’entretien. « On crée aussi une autre catégorie, entre autres pour les psychologues et tout le personnel de soins qui étaient plus avec la question des techniciens », a ajouté le ministre.

Les quatre catégories d’emplois actuelles en santé

  • Catégorie 1 : Personnel en soins infirmiers et cardio-respiratoires
  • Catégorie 2 : Personnel paratechnique, services auxiliaires et de métier
  • Catégorie 3 : Personnel de bureau, techniciens et professionnels de l’administration
  • Catégorie 4 : Techniciens et professionnels de la santé et des services sociaux

Nouvelles catégories selon les amendements proposés

  • Catégorie 1 : Personnel en soins infirmiers (infirmières et infirmières auxiliaires)
  • Catégorie 2 : Personnel de soutien opérationnel et de métiers (peintres, menuisiers)
  • Catégorie 3 : Personnel d’assistance aux soins cliniques (préposés aux bénéficiaires)
  • Catégorie 4 : Personnel de soutien de nature administrative (agents administratifs)
  • Catégorie 5 : Techniciens et des professionnels de la santé et des services sociaux (archivistes, avocats)
  • Catégorie 6 : Techniciens et des professionnels de soutien spécialisés et en soins cardio-respiratoires (inhalothérapeutes, perfusionnistes)

Plus « facile » pour les offres différenciées

Le ministre explique sa décision par le fait qu’il sera à l’avenir « plus facile » de présenter des offres différenciées aux syndicats. Il s’agit d’un nœud que la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, tente de défaire dans le cadre de la présente négociation. Québec veut pouvoir offrir des conditions plus avantageuses aux infirmières qui effectuent des quarts défavorables, par exemple.

M. Dubé réplique avoir écouté les syndicats en reportant l’entrée en vigueur de cette fusion. En effet, un amendement proposé par le ministre prévoit que le changement ne sera pas effectif à la création de Santé Québec (six mois après l’adoption de la loi), mais sera plutôt déterminé par décret, ce qui laisse le temps de discuter de la suite des choses avec la partie syndicale.

Les syndicats ont affirmé au contraire avoir été placés devant « le fait accompli » lors d’une rencontre avec des membres du cabinet du ministre vendredi dernier.