(Ottawa) Le prétexte « absurde » qu’ont avancé les conservateurs pour justifier leur opposition à l’entente de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine cache autre chose, selon Justin Trudeau : le parti prend une tangente qui n’est pas sans rappeler celle des républicains aux États-Unis, a-t-il argué.

Le premier ministre a tapé sur ce clou comme le font ses troupes depuis que l’ensemble de la députation conservatrice a voté contre le projet de loi sur la mise en œuvre du pacte commercial, en plaidant que celui-ci contraindrait l’Ukraine à se doter d’un mécanisme de tarification du carbone.

« Évidemment, c’est une excuse. Mais ce n’est pas la véritable histoire », a-t-il laissé tomber, vendredi.

La véritable histoire, c’est la montée d’une façon de penser de la droite américaine, de style MAGA [Make America Great Again], qui a fait en sorte que les conservateurs canadiens, qui étaient parmi les plus grands défenseurs de l’Ukraine, je l’admets, tournent leur dos à l’Ukraine

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

« Il est là, le danger, de la montée de l’influence de la droite au Canada », a-t-il laissé tomber en anglais lors de la conférence de presse de clôture du Sommet Canada-Union européenne (UE) qui se tenait à Saint John’s, à Terre-Neuve.

PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre

Le chef conservateur Pierre Poilievre a justifié le vote de ses troupes contre le projet de loi C-57 en deuxième lecture, mercredi, en affirmant que sa formation était « opposée à inclure la taxe carbone dans tout accord de libre-échange ».

Le texte ne prévoit rien de contraignant en la matière. Il y est mentionné que les parties doivent « coopérer bilatéralement […] pour trouver des solutions aux questions d’intérêt commun », y compris en faisant la promotion de « la tarification du carbone et [d]es mesures visant à atténuer les risques de fuite de carbone ».

L’Ukraine, par ailleurs, s’est dotée d’un système de tarification de la pollution par le carbone, bien que sa taxe soit parmi les moins élevées au monde, à 82 cents US la tonne. Au Canada, le prix est de 65 $ CAN la tonne pour 2023, et le coût augmente de 15 $ par année pour atteindre 170 $ en 2030.

L’ambassadrice de Kyiv à Ottawa, Yulia Kovaliv, a assuré devant un comité parlementaire il y a un peu plus de deux semaines que l’entente de libre-échange était plus que satisfaisante aux yeux du gouvernement ukrainien.

L’appui à l’Ukraine fragilisé ailleurs aussi

Il n’y a pas qu’au Canada que l’appui de formations politiques de droite à l’endroit de l’Ukraine vacille : c’est également le cas dans certains pays d’Europe, en particulier la Hongrie du premier ministre Viktor Orban, qui s’oppose farouchement à l’accession de l’Ukraine à l’Union européenne (UE).

En bon invité, le président du Conseil européen, Charles Michel, n’a pas voulu se mêler du débat canadien au sujet de l’entente de libre-échange. Il a toutefois affirmé que du côté européen, on était déterminé à « ne pas utiliser des arguments qui pourraient ressembler à des excuses pour reculer dans le soutien à l’Ukraine ».

Le dirigeant européen se rendra d’ailleurs en Hongrie lundi pour tenter de désamorcer les tensions avec le premier ministre hongrois, qui menace d’utiliser son droit de veto contre une aide européenne à l’Ukraine lors d’un sommet de l’UE, mi-décembre.

Les médias à la solde de Trudeau, accuse une conservatrice

Le bureau de Pierre Poilievre n’a pas répondu aux questions de La Presse.

Sur le réseau X, Jenni Byrne, une ancienne conseillère de Stephen Harper, a prétendu que si les médias s’en prenaient ainsi au chef conservateur, c’est parce qu’ils ont été aveuglés par les mesures d’aide dévoilées plus tôt cette semaine dans la mise à jour économique.

« Faut-il se demander pourquoi la Tribune de la presse attaque Pierre de façon intensive depuis la mise à jour d’automne de Trudeau ? Il donne 30 000 dollars supplémentaires par journaliste, financés par l’impôt, pour renflouer les médias », a-t-elle écrit.

« Attendez-vous à ce qu’ils fassent tout ce que dit le Cabinet du premier ministre », a conclu Mme Byrne, qui a aussi été stratège de la course à la direction victorieuse de Pierre Poilievre, dont elle est aussi une ancienne conjointe.

Le gouvernement Trudeau a annoncé mardi que le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre journalistique serait augmenté, passant de 25 % à 35 % et d’augmenter le plafond annuel des coûts pouvant être réclamés par un membre du personnel admissible de 55 000 $ à 85 000 $, et ce, sur une période de quatre ans.

Avec l’Agence France-Presse