(Ottawa) La décision du Parti conservateur de voter contre la modernisation du traité de libre-échange entre le Canada et l’Ukraine laisse pantois un député ukrainien en visite au pays. Ce choix, Pierre Poilievre l’attribue au fait que le texte de l’accord déjà taxé de « woke » par des élus de son parti, parle de taxe sur le carbone, qu’il considère comme une « obsession pathologique de Justin Trudeau ».

« J’ai été surpris de constater la division à la Chambre des communes lors du vote sur l’entente hier [mardi]. J’ai été étonné que les conservateurs s’y opposent », a lâché en entrevue le député Igor Tchernev, sans avoir été questionné à ce sujet.

« J’espère que ça se réglera, et que cette entente sera conclue le plus rapidement possible, avec le soutien de tous les partis. C’est important pour nous. Et la dernière chose que nous souhaitons, c’est diviser le Parlement canadien », a-t-il plaidé.

« C’était peut-être un accident ? », a avancé, sourire en coin, l’élu du Parlement ukrainien, la Verkhovna Rada.

Apparemment pas, si l’on se fie au chef conservateur Pierre Poilievre.

« Ah, l’entente sur la taxe carbone », a lancé du tac au tac le leader de l’opposition lorsqu’on lui a demandé mercredi matin pour quelle raison l’ensemble de sa députation avait voté contre le projet de loi à la Chambre des communes, la veille.

« Nous sommes opposés à inclure la taxe carbone dans tout accord de libre-échange, [mais] nous sommes en faveur du libre-échange avec l’Ukraine », a-t-il assuré en accusant le gouvernement libéral d’avoir erré dans la renégociation du traité qui avait d’abord été conclu sous Stephen Harper.

Et c’est « l’obsession pathologique de Justin Trudeau » pour la tarification du carbone qui explique le vote de ses troupes contre le projet de loi en deuxième lecture, puisque celui-ci en fait mention, a-t-il ajouté en mêlée de presse.

Le texte ne prévoit rien de contraignant en la matière. Il y est mentionné que les parties doivent « coopérer bilatéralement […] pour trouver des solutions aux questions d’intérêt commun », dont en faisant promotion de « la tarification du carbone et [d]es mesures visant à atténuer les risques de fuite de carbone ».

L’Ukraine, par ailleurs, s’est dotée d’un système de tarification de la pollution par le carbone, bien que sa taxe soit parmi les moins élevées au monde, à 82 cents US la tonne. Au Canada, le prix est de 65 $ CAN la tonne pour 2023, et le coût augmente de 15 $ par année pour atteindre 170 $ en 2030.

Joly dénonce les « manigances » de Poilievre

Le refus conservateur d’entériner le pacte a été fustigé par plusieurs élus libéraux, y compris par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Mélanie Joly

« Les Ukrainiens sont sur le champ de bataille et se battent pour leur liberté, et la nôtre, et là, on voit Pierre Poilievre faire des manigances pour marquer des petits points politiques avec ça ? C’est absurde ! », s’est-elle exclamée à la sortie de la rencontre du caucus libéral.

« M. Poilievre devrait se ressaisir et appuyer l’Ukraine », a-t-elle ensuite tranché.

Les libéraux, les néo-démocrates et les bloquistes ont tous approuvé le projet de loi C-59 portant sur la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine. Le vote s’est soldé par un résultat de 205 à 109, et il fait en sorte que le projet de loi poursuivra son cheminement législatif en Chambre.

Une opposition télégraphiée

Le Parti conservateur avait laissé entendre que l’adoption du projet de loi se heurterait à une résistance.

Devant le comité qui se penchait sur l’accord commercial, il y a de cela environ deux semaines, la ministre du Commerce international, Mary Ng, avait exprimé son étonnement que ce pacte soit considéré comme « woke ».

L’épithète avait notamment été utilisée par le conservateur Stephen Ellis.

« L’une des choses qui me préoccupent […] au-delà des mesures incroyablement wokes qui sont intégrées à cet accord de libre-échange […] est que cela place l’Ukraine dans une position de négociation difficile », a argué l’élu en Chambre.

L’ambassadrice de l’Ukraine au Canada, Yulia Kovaliv, avait affirmé en comité que l’entente était tout à fait souhaitable pour Kyiv. Elle avait évité de se retrouver dans les tirs croisés entre libéraux et conservateurs lors de son apparition.