(Ottawa) Dans le National Post, l’ancien ministre John Baird accuse Justin Trudeau de céder à la pression des membres propalestiniens de son caucus. Sur X, l’ex-ambassadrice à Tel-Aviv sous Stephen Harper, Vivian Bercovici, qualifie le premier ministre d’« antisémite toxique ». Pierre Poilievre, pendant ce temps, concentre ses attaques sur les enjeux nationaux.

« L’ancien ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, dit que Justin Trudeau réagissait aux pressions des membres de son propre caucus pour adopter une position plus propalestinienne lorsqu’il a exhorté Israël à faire preuve d’une grande retenue », écrit le chroniqueur John Ivison dans le National Post.

Dans le même entretien, celui qui a été le chef de la diplomatie canadienne de 2011 à 2015 a relevé que Benyamin Nétanyahou n’avait pas été le seul à condamner le premier ministre du Canada pour ses propos. « Le chef de l’opposition en Israël, Yaïr Lapid, s’est joint à lui », a noté John Baird, qui a coprésidé la campagne à la direction de Pierre Poilievre.

La sortie du politicien israélien, qui a été premier ministre avant le retour de Benyamin Nétanyahou, a attiré l’attention de l’ancienne ambassadrice du Canada à Tel-Aviv, Vivian Bercovici. « Le premier ministre Justin Trudeau est et a toujours été antisémite », lui a-t-elle répondu sur X, mercredi.

L’ex-diplomate, qui a été limogée par le gouvernement libéral en 2016 – elle a ensuite poursuivi le gouvernement ; un règlement est intervenu entre les deux parties –, a utilisé l’expression « antisémite toxique » dans un autre message. À l’époque où elle était à Tel-Aviv, ses publications sur Twitter (aujourd’hui X) avaient fait sourciller⁠1.

Le chef conservateur Pierre Poilievre, lui aussi extrêmement actif sur les réseaux sociaux, a de son côté publié relativement peu de messages sur la guerre entre Israël et le Hamas depuis le 7 octobre dernier. Nous en avons recensé environ 25 sur plusieurs centaines2.

Sollicitée mercredi par La Presse pour une réaction au durcissement de ton du premier ministre Trudeau et à la colère de Nétanyahou, son équipe n’a pas répondu. Relancée le lendemain, une attachée a notamment fourni un lien vers une vidéo d’un point de presse de Pierre Poilievre remontant à lundi – donc antérieur à la nouvelle.

Ne pas dévier du message

On sait cependant très bien à quelle enseigne loge le Parti conservateur : Israël a le droit de se défendre contre ce que le chef a appelé la « secte terroriste du Hamas ». Cela dit, à la Chambre des communes, le nombre de questions que consacrent Pierre Poilievre et ses troupes à la guerre est marginal.

L’écrasante majorité des interpellations portent sur le coût de la vie et la « taxe carbone ».

Au Bloc québécois, en revanche, on réclame fréquemment des comptes aux libéraux. Et le chef Yves-François Blanchet a multiplié les prises de parole sur l’enjeu – au risque de se peinturer dans un coin et de devoir marcher sur la peinture, notamment sur la question du cessez-le-feu, qu’il a fini par exiger après avoir jugé la chose irréaliste.

Si Pierre Poilievre préfère s’en remettre à des membres de son caucus comme Michael Chong ou Melissa Lantsman lorsque vient le temps de se prononcer sur la guerre, c’est probablement en partie pour éviter de se mettre les pieds dans le plat, avance la politologue Geneviève Tellier.

C’est un terrain glissant. Je pense qu’il a plus à perdre en parlant qu’en ne parlant pas. On connaît sa position.

Geneviève Tellier, professeure titulaire de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

Mais il n’y a pas que cela : ce n’est pas « dans son script », ajoute-t-elle.

« Je pense qu’il ne veut pas diluer son message. Il veut vraiment se concentrer sur un thème – le coût de la vie – et vraiment le marteler. Après tout, ça a fonctionné avec la tarification sur le carbone », remarque-t-elle en faisant référence au recul des libéraux sur le plan climatique.

La stratégie de l’équipe Poilievre se comprend, juge Marc-André Leclerc, ancien tacticien des conservateurs. « Moi, si j’étais à leur place, c’est sûr que je ferais attention. Si j’étais là, je dirais : “Gang, on ne va pas ajouter de l’huile sur le feu, il y a déjà assez de tension dans l’ensemble du pays” », plaide-t-il au téléphone.

Mais n’est-ce pas le rôle de l’opposition de s’opposer ou de proposer ? « Est-ce qu’on est toujours obligé de s’opposer sur tout ? C’est sûr que c’est un enjeu primordial, et c’est sûr que les conservateurs, un jour ou l’autre, n’auront pas le choix de prendre position », croit l’ancien chef de cabinet d’Andrew Scheer.

Le 24 octobre dernier, le conservateur Michael Chong a déclaré que le parti appuyait les « pauses humanitaires » qui ont été réclamées par plusieurs pays, y compris le Canada. La formation n’a pas précisé sa position sur le cessez-le-feu – aucun élu n’a toutefois fait de telle demande – ni sur l’appel de Justin Trudeau à une « plus grande retenue » dans la bande de Gaza.

1. Lisez « Israël: les tweets de l'ambassadrice du Canada font jaser »

2. La plupart des messages publiés portaient sur les meurtres de Canadiens par le Hamas. La recension inclut des propos indirects, par exemple ceux de députés sur le traitement journalistique du Hamas par la CBC, et soustrait les messages publiés deux fois, en français et en anglais.