(Québec) « Les six prochains mois seront très difficiles », prévient le ministre des Finances Eric Girard, qui a révisé à la baisse ses prévisions de croissance économique. Il répond aux syndicats des 600 000 employés de l’État que « le cadre financier est serré ».

« À moins que l’économie soit plus forte et qu’on ait des revenus supplémentaires, toute dépense supplémentaire va nécessiter des emprunts », a-t-il affirmé en conférence de presse mardi lorsqu’on lui a demandé s’il a une marge de manœuvre pour augmenter davantage les salaires dans le cadre du renouvellement des conventions collectives.

Et pour le moment, le ciel s’assombrit davantage au lieu de s’éclaircir.

« Nous ne sommes pas en récession, mais certainement dans une période extrêmement difficile qu’on pourrait qualifier de stagnation », a-t-il souligné en présentant sa mise à jour économique. « On est vraiment autour de 0,0 % de croissance. »

L’économie québécoise ne reprendra pas son « élan » en 2024 comme il le prévoyait en mars. Le PIB réel devrait croître d’à peine 0,7 % au lieu de 1,4 %. « On est au cœur du ralentissement économique », a insisté Eric Girard.

Le ministre des Finances a intégré au cadre financier la nouvelle offre du gouvernement aux 600 000 employés de l’État : des hausses de salaire de 10,3 % en cinq ans, des augmentations différenciées représentant 3 % pour certaines catégories de travailleurs et un montant forfaitaire de 1000 $ la première année.

Le coussin du ministre pour les imprévus n’est plus que de 500 millions pour cette année. En raison des annonces de sa mise à jour et de la chute des revenus fiscaux, cette provision pour éventualités a fondu considérablement, passant de 6,5 à 1,5 milliard en cinq ans.

Bref, Eric Girard fait savoir que la marge de manœuvre est bien mince.

Ses signaux ont toutefois paru contradictoires au cours de la conférence de presse. En particulier lorsqu’il a déclaré qu’il n’y aura « pas du tout » d’austérité malgré la faible croissance des dépenses prévue pour 2024-2025 (1,6 %).

« Il faut faire attention au taux de croissance des dépenses 2024-2025 alors que le budget 2024-2025 n’est pas déposé. Normalement, un budget amène – en tout cas, c’est mon expérience – un accroissement des dépenses », a-t-il dit.

Donc, il y aurait une marge de manœuvre financière ?

« J’ai fait cinq budgets à date et les cinq budgets ont montré que dans un budget, il y a des initiatives et une hausse des dépenses », a-t-il répondu.

Alors pourquoi une hausse plus importante des salaires pour les 600 000 employés de l’État pourrait-elle ne pas faire partie de ces dépenses supplémentaires à venir ? « Je n’ai pas dit ça », a-t-il répliqué, avant de changer de sujet.

Rappelons que le gouvernement n’a pas qualifié sa nouvelle offre de finale.

Un « choix politique »

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a accueilli « sans surprise » la mise à jour économique du ministre Girard mardi. « Tout est une question de choix politiques », a affirmé par communiqué Éric Gingras, président de la CSQ.

« Renoncer à 2 milliards de dollars en octroyant des baisses d’impôt aux contribuables était un choix politique, illustre-t-il. Octroyer des crédits d’impôt de près d’un milliard aux entreprises en est un également. Faire le choix d’investir dans les services publics offerts aux Québécoises et aux Québécois en est un aussi. Le gouvernement est donc mal placé pour évoquer les limites de ses capacités de payer. »

Du côté de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), on estime que « Québec pourrait augmenter ses dépenses à hauteur de 1,8 % de son PIB tout en demeurant viable financièrement à long terme ».

« La situation serait encore plus facile si le gouvernement du Québec ne s’était pas volontairement privé de près de 2 milliards en revenus d’impôt ! », soutient la centrale syndicale par communiqué.

« Les gens sont à bout de souffle et ont besoin de plus d’aide et de leadership de la part de leurs dirigeants », a pour sa part déclaré la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard. « Quant au retour à l’équilibre budgétaire pour 2027-2028, il n’y a pas de raison de paniquer selon la centrale. Il faut plutôt prendre le temps de remettre nos services publics et les programmes sociaux sur les rails », ajoute-t-elle.

Pour l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), cette mise à jour économique « confirme que les négociations font du surplace », a indiqué le syndicat sur les réseaux sociaux.

De plus, à la lumière des nouvelles prévisions sur l’inflation, la dernière offre salariale du gouvernement – soit une hausse de 10,3 % sur cinq ans – est encore moins intéressante, souligne la CSQ. « Elle accentuerait le retard des travailleuses et des travailleurs », tranchent la CSQ et le Front commun.