(Ottawa) Amira Elghawaby craint que la guerre entre Israël et le Hamas n’alimente davantage la haine envers les musulmans. La représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie a publié une déclaration pour la première fois depuis le début du conflit, sans toutefois condamner les attaques du Hamas. Son silence avait fait sourciller.

« Ces évènements m’ont personnellement touchée, en particulier la dernière attaque contre l’hôpital de Gaza et la tragédie humanitaire évitable qui est en train de se dérouler », écrit-elle dans une courte déclaration publiée mercredi en soirée sur le réseau social X.

« Actuellement, il y a une crainte d’une résurgence de l’islamophobie qui a des échos troublants du passé », note-t-elle en faisant référence au « profond traumatisme » vécu par les musulmans et les Arabes après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ils « se sont sentis collectivement blâmés, stéréotypés et victimes de profilage racial », signale-t-elle.

« Nous avons dû démontrer notre loyauté et nous avons subi des pressions pour condamner des actions sans rapport avec nos communautés, poursuit-elle. Nous avons été réduits au silence lorsque nous avons exprimé notre point de vue sur les droits de la personne et la dignité.

« Les communautés musulmanes me mentionnent que nous ne pouvons pas laisser le conflit israélo-palestinien rouvrir un chapitre aussi douloureux. »

Elle s’engage à défendre « les intérêts des musulmans au Canada » et rappelle que son rôle est de conseiller le gouvernement sur la façon de lutter contre « les préjugés, la discrimination et la haine » envers ces communautés.

« Ensemble, nous pourrons faire face au danger de la montée de l’islamophobie et de toutes les autres formes de haine », conclut-elle.

Stéphane Gobeil, conseiller spécial du premier ministre du Québec, François Legault, a fait remarquer sur X que la déclaration de Mme Elghawaby ne fait aucune mention des victimes israéliennes du Hamas. Il avait également critiqué son silence dans la foulée de ces attaques perpétrées le 7 octobre. Aucun parti politique fédéral ne lui avait emboîté le pas.

L’envoyé spécial du Canada pour la préservation de la mémoire de l’Holocauste et la lutte contre l’antisémitisme, Irwin Cotler, avait signé une lettre ouverte dans le Globe and Mail après les attaques. Irwin Cotler y dénonçait le terrorisme du Hamas et reconnaissait que les civils palestiniens en étaient aussi des victimes.

« Ils souffrent quotidiennement sous ce régime répressif et autoritaire », écrivait-il, prenant soin de préciser que « le programme antisémite et génocidaire du Hamas » ne représentait pas les Palestiniens.

M. Cotler a cédé lundi son poste à Deborah Lyons, qui a été ambassadrice du Canada en Israël de 2016 à 2020.

Auparavant chroniqueuse pour le Toronto Star, Amira Elghawaby avait écrit en 2021 sur l’évolution du discours politique en ce qui a trait au conflit israélo-palestinien. Elle citait alors une motion déposée par le Bloc québécois qui demandait à la fois à Israël de mettre fin à la colonisation et à l’annexion de territoires palestiniens et à l’Autorité palestinienne de dénoncer les tirs de roquettes du Hamas contre les civils israéliens.

Questionnée plus tôt cette semaine sur le silence de Mme Elghawaby, la ministre de la Diversité et de l’Inclusion, Kamal Khera, a dit qu’elle avait entièrement confiance en elle. « J’ai beaucoup de respect pour le travail qu’elle accomplit. Son mandat pour lutter contre l’islamophobie est domestique », avait-elle répondu. Elle avait ajouté que Mmes Elghawaby et Lyons travailleraient en collaboration.

La nomination d’Amira Elghawaby avait soulevé la controverse l’hiver dernier. Lorsqu’elle était chroniqueuse pour le Toronto Star, elle avait écrit que la « majorité des Québécois » semblaient « influencés par un sentiment antimusulman » en raison de la Loi sur la laïcité de l’État. Ces propos avaient suscité une levée de boucliers tant à Québec qu’à Ottawa et elle avait dû présenter ses excuses.