(Hamilton) Les néo-démocrates ne se contenteront pas de demi-mesures pour la mise sur pied d’un programme d’assurance médicaments, quitte à déchirer leur entente avec les libéraux. Leur chef Jagmeet Singh et son caucus ont quitté le congrès du Nouveau Parti démocratique (NPD) dimanche avec une résolution adoptée à l’unanimité la veille pour que le projet de loi libéral jette les bases d’un programme « universel, complet et entièrement public ».

Ce qu’il faut savoir

  • Les délégués néo-démocrates réunis en congrès à Hamilton ont adopté à l’unanimité une résolution pour que le projet de loi libéral sur le programme d’assurance médicaments soit universel et entièrement public.
  • Les délégués ont mis de l’avant la victoire du NPD contre les conservateurs au Manitoba.
  • Quatre délégués ont perdu leur accréditation après la commotion causée par leur partricipation à une manifestation propalestinienne, samedi.

Il s’agit d’une démonstration de force, selon la directrice nationale du NPD, Anne McGrath, même si cette résolution n’est pas contraignante.

« C’est comme lorsque vous êtes dans un syndicat et que vous obtenez un mandat de grève fort, ça vous donne un meilleur rapport de force », a-t-elle comparé.

Les libéraux n’auront donc pas le choix de tenir compte de la volonté des membres du NPD pour continuer à faire fonctionner le Parlement, fait valoir le chef adjoint de la formation, Alexandre Boulerice.

On va les mettre au pied du mur et ils auront un choix à faire, soit ils respectent l’entente qu’ils ont eux-mêmes signée ou alors ils nous disent qu’ils n’ont plus besoin de nous et, dans ce cas-là, ils s’arrangeront.

Alexandre Boulerice, chef adjoint du NPD

Les libéraux ont promis de déposer un projet de loi pour créer un programme d’assurance médicaments cet automne, mais les néo-démocrates ont rejeté une première version jugée insatisfaisante. « Ils se défilent », a dénoncé le porte-parole du parti en matière de santé, Don Davies, lorsque la résolution a été débattue samedi.

Le coût d’un tel programme s’élèverait à 13,4 milliards après cinq ans, et les économies qu’il engendrerait atteindraient 2,2 milliards puisqu’il permettrait d’obtenir un meilleur prix pour les médicaments, selon la plus récente mise à jour du directeur parlementaire du budget.

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Les délégués du NPD, au moment du vote unanime sur la résolution en faveur d’un programme d’assurance médicaments universel et public, samedi à Hamilton.

Le NPD s’oppose à un système destiné seulement aux gens qui n’ont pas déjà une assurance médicaments privée parce qu’il ne permettrait pas de négocier un prix de gros.

« Les libéraux devront décider s’ils veulent prendre le parti des compagnies pharmaceutiques et leurs profits ou s’ils veulent prendre le parti des patients canadiens qui paient le troisième prix le plus élevé au monde », a souligné le député en entrevue.

« La réalité est que les libéraux agissent seulement lorsque les néo-démocrates les forcent », a répété Jagmeet Singh dans son discours samedi, rappelant l’héritage de Tommy Douglas, premier chef du NPD. « C’est comme ça que nous avons obtenu l’assurance maladie et c’est comme ça que nous gagnerons l’assurance médicaments. »

Poilievre ciblé

Les victoires des néo-démocrates un peu partout au pays ont été mises de l’avant, à commencer par celle de Wab Kinew contre les progressistes-conservateurs du Manitoba. Le chef néo-démocrate a récemment fait l’histoire en devenant le premier autochtone issu d’une Première Nation élu premier ministre d’une province.

« Partout au pays, les néo-démocrates se battent contre les conservateurs et gagnent », s’est exclamé M. Singh, déclenchant une salve d’applaudissements.

Un de ces gains est le recul du gouvernement de Doug Ford sur la construction de résidences dans la ceinture de verdure, 800 000 hectares de terres censées être protégées de l’étalement urbain. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a récemment ouvert une enquête sur les agissements du gouvernement progressiste-conservateur.

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La cheffe du NPD de l’Ontario, Marit Stiles, dimanche à Hamilton

« Si vous pensez que Pierre Poilievre est différent ? Aucune chance », a avancé la cheffe du NPD de l’Ontario, Marit Stiles, dans son allocution.

Les attaques contre le chef du Parti conservateur du Canada ont fusé tout le long du week-end. Jagmeet Singh l’a présenté comme un membre de l’élite, déconnecté de la réalité de monsieur et madame Tout-le-Monde. « Il veut couper le programme de soins dentaires alors qu’il a lui-même une couverture payée par le public depuis 20 ans », s’est-il exclamé.

Les néo-démocrates comptent confronter le chef conservateur à son bilan dans le cabinet de Stephen Harper en rappelant ses prises de position contre les droits des travailleurs et les compressions effectuées par le gouvernement à l’époque.

Délégués exclus

Le congrès a toutefois été assombri par le retrait des accréditations de quatre délégués après la perturbation causée par une manifestation propalestienne, samedi. Parmi eux, le président du caucus socialiste du NPD, Barry Weisleder, qui réclame des sanctions contre Israël et la fin de l’entente avec les libéraux.

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Le président du caucus socialiste du NPD, Barry Weisleder, dimanche à Hamilton

Il a dû installer sa table avec ses dépliants dehors devant le Centre des congrès de Hamilton. Les agents de sécurité lui ont refusé tout accès dimanche. « Ils ne tolèrent pas très bien les divergences politiques », a affirmé ce militant de longue date.

La politique anti-harcèlement du parti a-t-elle été utilisée pour museler des dissidents ? « Des gens se sont sentis comme s’ils n’étaient pas en sécurité », s’est défendue Anne McGrath, qui a pris la décision de les exclure. « Beaucoup de gens étaient contrariés par le fait que des gens manifestent bruyamment dans le lobby. »

Les perturbations n’ont pas réussi à convaincre les délégués de prendre une position plus ferme contre Israël. La résolution d’urgence adoptée presque à l’unanimité samedi condamne à la fois « tous les actes d’antisémitisme et de haine antipalestinienne ».