(Ottawa) Le chef du Parti conservateur du Canada veut sortir le bâton et la carotte pour inciter les municipalités à délivrer des permis de construction pour de nouveaux logements. Pierre Poilievre compte déposer un projet de loi en ce sens lundi et demande aux autres partis de l’adopter à l’unanimité.

« Je vais introduire [sic] la Loi pour bâtir des maisons et non pas bâtir de la bureaucratie et c’est ça la différence entre moi et Justin Trudeau », a-t-il affirmé jeudi en conférence de presse à Vancouver.

Son projet de loi contiendra six mesures. Il amputerait le financement fédéral pour les infrastructures des municipalités qui n’arrivent pas à augmenter le nombre de permis de construction de 15 % par année comme il en avait déjà fait part à La Presse en juin. Les villes qui dépassent cet objectif obtiendraient un bonus.

Il obligerait également la construction d’immeubles à appartement près des stations de transport commun financé par le gouvernement fédéral. Les fonds ne seraient pas livrés à la ville jusqu’à ce que l’ensemble des terrains entourant la station soient développés.

Il imposerait des pénalités fiscales pour les municipalités qui empêchent la construction de nouveaux immeubles et offrirait des bonus à celles l’augmenteraient.

Il voudrait aussi couper les bonus des fonctionnaires et des cadres de la Société canadienne d’hypothèque et de logement s’ils mettent plus que 60 jours pour à prendre une décision pour le financement de projets d’infrastructure. « On ne va plus payer des bonus pour des échecs », a-t-il lancé.

Il éliminerait la TPS sur la construction de logements abordables à l’instar des libéraux. « Justin Trudeau a promis en 2015 qu’il allait enlever la TPS sur la construction de logement, deux ans plus tard il a dit : “non je ne vais pas le faire », a rappelé le chef conservateur. Aujourd’hui, parce qu’il a entendu parler que j’allais annoncer ça, il fait volte-face encore. Moi, je vais le faire. »

Pierre Poilievre vendrait aussi 15 % de tous les édifices et terrains fédéraux pour la construction de logement.

« Ça, c’est un plan de gros bon sens, a-t-il dit. Je vais mettre ça devant la Chambre des communes lundi prochain et j’encourage Justin Trudeau à l’adopter immédiatement avec consentement unanime. »

Il n’avait pas hésité d’entrée de jeu à blâmer le premier ministre pour la hausse fulgurante du nombre d’itinérants au Québec, « une conséquence inévitable des politiques de Justin Trudeau qui ont doublé le loyer, doublé le paiement moyen pour une hypothèque et doublé le premier versement nécessaire afin d’obtenir la maison moyenne ».

Il a terminé son allocution en s’en prenant au Bloc québécois, « totalement inutile » selon lui, pour aider les Québécois à se trouver du logement.

Cesser de blâmer les villes

« On a fait la démonstration au cours des quatre dernières années qu’on a fait des gains très clairs, des contributions très intéressantes aux affaires de l’État », a objecté le chef bloquiste Yves-François Blanchet en citant l’apport des députés de son parti à la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les langues officielles, le projet de loi C-21 sur le contrôle des armes à feu et la protection de la gestion de l’offre.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Yves-François Blanchet a dit faire confiance aux municipalités parce que « ce sont celles qui, au quotidien, doivent gérer les enjeux de logement » et d’itinérance.

Sur la question du logement, il a invité ses adversaires politiques à cesser de montrer les villes du doigt. Le caucus de son parti était réuni à Sherbrooke, en Estrie, en prévision de la reprise des travaux parlementaires lundi.

« Ça fait déjà plusieurs mois que Pierre Poilievre avait attaqué littéralement la lourdeur des municipalités, a-t-il rappelé. Je trouvais que c’était une insulte au palier de gouvernement qui est le plus proche de la vraie population, et là, j’ai vu le premier ministre du Canada prendre le même train. »

Le premier ministre Justin Trudeau a lancé la balle aux municipalités, lui aussi, mercredi pour expliquer la lenteur à déployer un fonds afin d’accélérer la construction de nouvelles unités.

M. Blanchet a ajouté faire confiance aux municipalités parce que « ce sont celles qui, au quotidien, doivent gérer les enjeux de logement » et d’itinérance.

Le nombre de sans-abri a augmenté de 44 % au Québec depuis avril 2018. On en a compté 10 000 lors du dernier dénombrement réalisé en octobre 2022. Le phénomène a pris de l’ampleur dans plusieurs régions du Québec, autrefois peu touchées. Les expulsions de locataires en sont la principale cause.

L’Union des municipalités du Québec tiendra d’ailleurs un sommet sur l’itinérance vendredi.

« Un enjeu qui est d’une grande tristesse et qui est aussi une grande honte qu’un État comme le Canada ou le Québec soient confrontés à un tel problème », a-t-il déclaré.

La pénurie de logements s’est aggravée au Québec en un an, selon un rapport dévoilé la veille par la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Celle-ci estime qu’il faudrait 3,5 millions de logements supplémentaires à la grandeur du pays pour que les loyers demeurent abordables.

Lorsqu’il s’est fait demander mercredi pourquoi le gouvernement fédéral avait mis six mois entre l’annonce du nouveau Fonds pour accélérer la construction de logements en mars et la conclusion d’une première entente avec la Ville de London, le premier ministre Justin Trudeau a lancé la balle dans le camp des municipalités.

« Il faudrait demander aux différents maires pourquoi ça a pris autant de temps », a-t-il répondu.

« Lorsqu’il y a une situation d’urgence, la dernière affaire que tu es supposé faire, c’est de mettre trois paliers de gouvernement autour de la table et de dire : tiraillez-vous donc », a affirmé Yves-François Blanchet qui mise sur le sens des responsabilités du Bloc québécois pour la reprise des travaux parlementaires lundi.

Il estime que les attaques ne sont pas les bienvenues dans un dossier criant comme celui du logement. « Peut-on s’abstenir de ça pour que les gens tant au Canada qu’au Québec comprennent qu’on va baisser le ton, qu’on va aborder des sujets sérieux de façon sérieuse et, j’ai envie de dire, responsable ? »

Cet enjeu, tout comme celui du coût de la vie, fera partie des priorités de son parti cet automne. Le Bloc québécois misera aussi sur la lutte et l’adaptation aux changements climatiques, et l’immigration.

Avec Mélanie Marquis et Joël-Denis Bellavance