(London) Le gouvernement Trudeau veut mettre au pas les grandes chaînes de supermarchés. Les patrons des cinq géants de l’industrie ont rendez-vous la semaine prochaine à Ottawa en vue de discuter d’un plan qui devra mener à la baisse du prix des aliments… sous peine de se voir dompter avec des mesures fiscales. En plus d’entamer ce chantier, le premier ministre a dépoussiéré jeudi une vieille promesse de 2015 : l’abolition de la TPS pour la construction de logements locatifs.

L’enjeu fait beaucoup jaser. Et à Ottawa, on veut ouvrir la discussion avec les dirigeants des cinq géants de l’épicerie. Au menu : une concertation en vue de l’élaboration d’un plan pour trouver une façon de réduire le prix du panier d’épicerie d’ici l’Action de grâce et sa dinde.

« Le taux d’inflation a diminué, mais la facture est encore trop élevée pour la nourriture. Pendant ce temps, les grandes chaînes d’épiceries font des profits record. Ces profits-là ne devraient pas se faire sur le dos des gens qui en arrachent pour nourrir leur famille », a déploré le premier ministre.

Et s’ils échouent à proposer des solutions satisfaisantes, le gouvernement Trudeau a l’intention d’agir.

Laissez-moi être très clair : si leur plan ne procure pas de véritable répit […], eh bien, nous poserons des gestes. Nous n’excluons rien, y compris des mesures fiscales.

Justin Trudeau

Car « assez, c’est assez ! », s’est exclamé le ministre à qui le premier ministre a confié la responsabilité de dompter les épiciers, François-Philippe Champagne. Il a l’intention d’étudier des initiatives internationales, y compris au besoin celle de la France, qui a imposé un gel sur des milliers de produits.

« La formule de la France, ça fonctionne dans certains cas, mais au Canada, le marché est différent […] et il y a des structures organisationnelles différentes », a-t-il expliqué au micro. Le ministre souhaite aussi éviter que cela affecte négativement « les petits épiciers, les employés, les petits producteurs ».

En plus de ces deux mesures phares, le gouvernement apportera des modifications au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, une mesure adoptée pendant la pandémie pour aider les petites entreprises à se maintenir à flot, en reportant d’un an la date limite de remboursement des prêts à terme.

Une promesse de 2015 pour 2023

La deuxième mesure dévoilée jeudi, l’abolition de la TPS sur la construction d’immeubles destinés à la location, est une promesse recyclée : la mesure est passée à la trappe en 2016, sous prétexte qu’il existait des « façons plus efficaces d’encourager la construction » de ce type de bâtiment.

Le premier ministre s’est défendu d’avoir trop tardé à agir et ainsi contribué à la crise du logement qui frappe l’ensemble du pays. « La situation qu’on vivait il y a huit ans était différente […] En 2016, il a été déterminé que le Financement de la construction de logements locatifs [...] était le bon programme au bon moment. »

« Mais aujourd’hui, compte tenu du niveau des taux d’intérêt, et des défis auxquels les gens sont confrontés, nous réalisons que c’est le bon moment » d’aller de l’avant avec cette mesure, a-t-il ajouté, en invitant les provinces et les territoires à emboîter le pas en supprimant leur taxe.

Déjà, l’Ontario, la Colombie-Britannique ainsi que Terre-Neuve-et-Labrador ont contacté le ministre du Logement, Sean Fraser, pour lui dire qu’ils imiteront le fédéral. Au cabinet du ministre des Finances du Québec, Eric Girard, « on analyse la proposition », a indiqué son attachée de presse, Claudia Loupret.

Le ministre du Logement, Sean Fraser, n’a pas fourni de cible précise par rapport au nombre de nouveaux logements qui pourraient être bâtis grâce à cet allègement fiscal. « Ce n’est pas possible ; il y a des pressions dans le marché, des facteurs qui [fluctuent] au fil des semaines, des années, des mois », a-t-il exposé.

Les critiques de l’opposition n’ont pas tardé à fuser : le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a reproché aux libéraux leur lenteur à agir, tandis que le leader du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a promis de déposer dès lundi un projet de loi visant à mater la bureaucratie municipale.

Vers la rentrée parlementaire

Ces annonces ont été faites en présence de l’ensemble de la députation libérale, qui a applaudi son général à tout rompre à l’issue de deux jours d’un caucus à London, en Ontario, où la question du leadership de Justin Trudeau a monopolisé l’attention.

La Chambre des communes reprend ses travaux lundi prochain, après un été qui aura été caractérisé par la montée d’un Pierre Poilievre relooké dans les sondages. Les libéraux, dont le maintien au pouvoir est assuré par l’entente les liant aux néo-démocrates, ont signalé qu’ils ne voulaient pas d’élections à court terme.