(Ottawa) Québec emboîte le pas à la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA). Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, presse à son tour le nouveau ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, d’adopter une cible pour rétablir le poids du français au pays.

« Nous sommes tout à fait d’accord avec la FCFA que le gouvernement fédéral doit en faire plus en matière d’immigration francophone », a fait savoir le ministre Roberge dans une déclaration écrite mercredi. « Il doit indiquer quelle sera sa nouvelle cible rapidement. »

« C’est essentiel que la proportion de francophones au Canada augmente et qu’elle arrête de diminuer. Ça a été le cas trop longtemps », a-t-il ajouté.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

« Nous sommes tout à fait d’accord avec la FCFA que le gouvernement fédéral doit en faire plus en matière d’immigration francophone », a fait savoir le ministre Roberge dans une déclaration écrite mercredi

La FCFA craint que le gouvernement fédéral ne rate le coche pour les trois prochaines années. Elle attend toujours un engagement de la part du ministre Miller pour freiner le déclin démographique des communautés de langue minoritaire.

« On est vraiment inquiets », affirme en entrevue la présidente de la FCFA, Lianne Roy, au lendemain d’une conférence de presse pour tenter de faire bouger les choses. Elle a récemment eu une rencontre avec M. Miller, nommé à la tête du ministère de l’Immigration lors du remaniement de juillet, mais en est ressortie sans être rassurée.

Les cibles connues en novembre

Le dévoilement des cibles d’immigration pour 2024-2026 est attendu en novembre et les fonctionnaires y travaillent déjà.

« Je suis prêt à augmenter les cibles, mais il faut qu’on soit réaliste », a affirmé le ministre Miller à sa sortie de la réunion du caucus libéral à London, en fin d’après-midi mercredi. Il n’a pas voulu confirmer la cible de 5 % ou 6 %, rapportée récemment par Francopresse, un média voué à la francophonie canadienne. Cet objectif est bien en deçà de la demande de la FCFA.

« La question qu’il faut se poser, surtout avec le fait français hors du Québec : est-ce que l’immigration, c’est la seule solution pour revigorer ces communautés ? Moi, je crois que non, mais c’est une grosse piste de solution pour résoudre un problème qui nous guette d’année en année », a-t-il dit.

La nouvelle mouture de la Loi sur les langues officielles, adoptée en juin dernier, exige que le ministre de l’Immigration adopte une politique avec des cibles « pour favoriser l’épanouissement des minorités francophones du Canada, notamment en assurant le rétablissement et l’accroissement de leur poids démographique. »

Cette cible réparatrice devrait être fixée à 12 %, selon la FCFA qui avait commandé une étude sur cette question en 2022. La cible d’immigration francophone est de 4,4 % depuis 2003. Le gouvernement voulait l’atteindre en 2008, mais il n’a réalisé cet engagement que près de 20 ans plus tard en 2022.

Des « années de stagnation »

Si la cible avait été respectée, les minorités francophones auraient ainsi pu accueillir 76 000 résidents permanents supplémentaires s’exprimant en français sur une douzaine d’années, selon un rapport publié en novembre 2021 du commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge.

« Pendant ces années de stagnation là, on a perdu l’équivalent de 76 000 personnes, mais le poids démographique des communautés a chuté à 3,6 % et d’après nos études, si rien n’est fait, il sera environ à 3,1 % en 2036 », s’inquiète Mme Roy.

Le rétablissement du poids démographique des minorités francophones est désormais inscrit dans la Loi sur les langues officielles. Il est fixé à 6,1 %, soit celui qu’elles avaient lors du recensement de 1971.

L’un des plus gros piliers du Plan d’action sur les langues officielles dévoilé en avril vise à stimuler l’immigration pour rétablir le poids démographique des francophones à l’extérieur du Québec. Il prévoit 137,2 millions supplémentaires afin d’y parvenir, pour un total de 221,5 millions sur cinq ans.

Or, sans une nouvelle cible concrète, les victoires des derniers mois paraissent bien lointaines pour la FCFA.

Avec Mélanie Marquis, La Presse