(Ottawa) Marco Mendicino n’a plus la crédibilité pour diriger un ministère aussi névralgique que celui de la Sécurité publique en raison des faux pas qu’il a commis dans une panoplie de dossiers au cours des derniers mois, clament les partis d’opposition.

Le contrôle des armes à feu, l’ingérence étrangère durant les élections fédérales, l’occupation illégale d’Ottawa par le convoi de la liberté et le transfert du tueur en série Paul Bernado vers un établissement carcéral à sécurité moyenne au Québec sont autant de dossiers où le ministre Mendicino a erré d’une manière inacceptable, selon la députée du Bloc québécois Kristina Michaud.

Après avoir vu le Parti conservateur réclamer sa démission mercredi à la Chambre des communes, M. Mendicino a dû affronter de nouveau jeudi les tirs nourris des députés de tous les partis d’opposition durant une réunion du comité de la procédure et des affaires de la Chambre.

« On a fait la liste et il y a eu plusieurs situations où vous avez dit une chose et ensuite on a appris le contraire », a lancé la députée Kristina Michaud alors qu’elle avait la parole au comité, en énumérant les principaux dossiers en question.

Vous êtes ministre de la Sécurité publique au Canada. Vous êtes imputable. Vous avez le devoir d’être informé et vous avez le devoir d’aller chercher l’information. […] Alors comment est-ce que vous expliquez qu’en matière de sécurité, la personne qui devrait être la première à être informée au Canada est plutôt la dernière ?

Kristina Michaud, députée fédérale d’Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia

La députée bloquiste lui a fait ces reproches sans toutefois aller jusqu’à demander sa démission.

Conservant son calme, M. Mendicino a reconnu qu’il lui incombe d’assurer une cohésion au sein de son ministère et la transmission d’informations d’une manière rapide et efficace.

Le député conservateur Michael Cooper s’est montré plus lapidaire, accusant le ministre Mendicino d’avoir menti quand il a affirmé en avril que les postes de police chinois au pays avaient tous été fermés par la GRC — des propos qui ont été mis en doute par des membres de la communauté chinoise de la région de Montréal et aussi par la conseillère en matière de sécurité nationale du premier ministre, Jody Thomas.

Son collègue conservateur Blaine Calkins, a été encore plus cinglant. « La seule chose à faire, c’est de démissionner », a-t-il déclaré après avoir lui aussi relevé les impairs du ministre au cours des derniers mois.

« Je ne vais pas m’abaisser pour répondre à ces faussetés », a simplement répondu le principal intéressé.

Le ministre de la Sécurité a de nouveau été la cible des attaques du Parti conservateur et du Bloc québécois deux heures plus tard durant la période des questions. Le Parti conservateur a envoyé au front les députées pour réclamer la tête du ministre.

M. Mendicino se retrouve de nouveau sur la sellette à la suite des révélations du réseau CBC selon lesquelles des employés du bureau du ministre étaient au courant dès le mois de mars que le tueur en série Paul Bernard serait transféré d’un établissement carcéral à sécurité maximale.

Service correctionnel du Canada (SCC) aurait de nouveau informé le bureau du ministre le 25 mai, soit quatre jours avant le transfert.

Or, M. Mendicino affirme avoir appris seulement le 30 mai, soit le lendemain, que Paul Bernado avait été transféré. Trois jours plus tard, le 2 juin, il réagissait avec force à la décision du SCC, la qualifiant de « choquante » et d’« incompréhensible ». Il a ensuite communiqué avec la commissaire de l’organisation, Anne Kelly, afin de lui demander de réviser la décision.

Paul Bernardo est incarcéré depuis 1993 et purge une peine d’emprisonnement de durée indéterminée et à perpétuité pour l’enlèvement, la torture et les meurtres de Kristen French, 15 ans, et de Leslie Mahaffy, 14 ans, qui ont eu lieu au début des années 1990.

Il était jusqu’ici emprisonné à l’établissement à sécurité maximale de Millhaven, près de Kingston en Ontario, mais il vient d’être transféré à l’établissement à sécurité moyenne de La Macaza, dans les Laurentides.

Son transfert a suscité une onde de choc à travers le pays.

Dans le cas du convoi de la liberté, qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant trois semaines au début de 2021, M. Mendicino avait déclaré que les corps policiers lui avaient demandé d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence afin de leur donner les outils nécessaires pour y mettre fin. Mais les grands patrons des principaux corps policiers ont démenti avoir fait une telle demande lors de témoignages devant un comité parlementaire.

Quant au dossier du contrôle des armes à feu, le ministre Mendicino s’est retrouvé sur la défensive après que le gouvernement eut présenté une série d’amendements au projet de loi C-21 qui auraient eu pour effet d’interdire des armes utilisées notamment par des autochtones dans le cadre de leurs activités de chasse. Devant la levée des boucliers, ces amendements ont dû être retirés à la sauvette.

Avec Mélanie Marquis, La Presse