(Québec) Des organismes autochtones se disent « déçus » du projet de loi 32 visant à instaurer l’approche de sécurisation culturelle dans le réseau de la santé et des services sociaux.

Ce projet de loi a été déposé vendredi dernier, au tout dernier jour de la session parlementaire, par le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Il obligerait les établissements du réseau de la santé et des services sociaux à tenir compte des réalités culturelles et historiques des Autochtones dans toute interaction avec eux.

« Les Autochtones doivent être distingués des autres usagers puisqu’ils forment des nations ayant une histoire et une culture distinctes », peut-on lire dans le projet de loi.

Le gouvernement Legault s’était engagé à légiférer sur la question de la sécurisation culturelle dans la foulée de la mort tragique de Joyce Echaquan, le 28 septembre 2021.

Or, l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador (APNQL) et la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL) déplorent des lacunes.

Il revient aux Premières Nations de définir et d’assurer le respect de leur sécurisation culturelle, a souligné dans un communiqué de presse le chef de l’APNQL, Ghislain Picard.

Il cite la déclaration des Nations unies qui reconnaît les droits inhérents des Premières Nations à se gouverner elles-mêmes et à protéger et à promouvoir leur culture en adoptant leurs propres politiques et règlements.

« Cette reconnaissance constitue le premier principe permettant d’assurer la sécurisation culturelle. Or, le projet de loi 32 faillit à reconnaître ces droits, ce qui permet de douter du sérieux de cette démarche », selon l’APNQL.

Le gouvernement Legault « ose » nommer le principe de Joyce dans le préambule du projet de loi, mais nie l’un de ses fondements : la reconnaissance du racisme systémique, déplore-t-on également.

Selon Ghislain Picard, « la démarche du gouvernement est contradictoire et ne peut mener à une réelle prise de conscience de la réalité et donc parvenir à la sécurisation culturelle ».

Même son de cloche du côté de Femmes autochtones du Québec (FAQ) et du Bureau du Principe de Joyce de la communauté de Manawan. Ils qualifient le projet de loi d’« insuffisant » et de « décevant ».

« Il est primordial de reconnaître le racisme et la discrimination systémiques et d’adopter le Principe de Joyce afin d’assurer une pleine et entière protection aux Autochtones, particulièrement aux femmes », indique-t-on.

« Le gouvernement […] fait preuve d’incohérence, d’un côté en s’inspirant du Principe de Joyce, mais de l’autre, en refusant une fois de plus de l’adopter », a déploré Jennifer Petiquay-Dufresne, du Bureau du Principe de Joyce.

Le président du conseil d’administration de la CSSSPNQL, Derek Montour, salue pour sa part la modification du Code des professions prévue dans le projet de loi 32.

Celle-ci constitue « un début de réponse à nos demandes répétées […], mais elle ne permet pas la levée de toutes les barrières au chapitre des langues et de la reconnaissance des savoirs traditionnels », nuance-t-il.

« Une pratique sécurisante serait d’avoir accès à des services dans la langue souhaitée dans les établissements de santé et de services sociaux », a ajouté M. Montour.

Les Premières Nations assurent vouloir participer à l’étude du projet de loi 32, se disant les mieux placées pour définir les approches et services « culturellement sécuritaires » au sein du réseau de la santé.

En vertu du projet de loi, les établissements devront adapter « lorsque possible » l’offre de services en embauchant, par exemple, du personnel autochtone.

Le Code des professions pourrait être modifié afin que des Autochtones qui ne satisfont pas aux conditions de délivrance d’un permis de l’un des ordres professionnels puissent exercer certaines activités réservées.