(Ottawa) Le Parti conservateur se dit prêt à travailler avec les autres partis de l’opposition à Ottawa pour établir le mandat d’une éventuelle enquête publique sur l’ingérence étrangère.

En point de presse, dimanche à Ottawa, le chef conservateur, Pierre Poilievre, a indiqué qu’il contacterait ses homologues du Nouveau Parti démocratique (NPD) et du Bloc québécois dès cette semaine pour amorcer le travail dans ce dossier.

« Je vais travailler avec mes collègues de l’opposition pour m’assurer que la personne qui sera choisie pour la suite des choses est indépendante et impartiale », a lancé M. Poilievre.

Le chef conservateur a tenu ces propos au lendemain d’une sortie du ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, qui a tendu la main aux partis de l’opposition afin de planifier la suite des choses dans le dossier de l’ingérence de la Chine et d’autres pays au Canada.

« J’ai bien hâte de recevoir leurs suggestions, par exemple, sur qui ils pensent pourrait mener cette enquête, quel sera son mandat et comment ils vont traiter la question des renseignements nécessairement secrets qui ne peuvent pas être divulgués dans une enquête publique », a indiqué le ministre LeBlanc samedi.

De son côté, M. Poilievre est prêt à participer aux discussions. Il a même déjà commencé à travailler sur une liste de candidats potentiels pour diriger une enquête publique, si le gouvernement décidait d’en déclencher une.

Ses critères : une personne qui n’a aucun lien avec la famille Trudeau ou la Fondation Pierre Elliott Trudeau, et qui a une solide réputation d’impartialité et de neutralité.

Lors de son point de presse, M. Poilievre a demandé au premier ministre Justin Trudeau de déclencher l’enquête publique dès maintenant.

« Il doit l’appeler tout de suite, a martelé le chef conservateur. Il doit trouver une personne pour la diriger et déterminer son mandat rapidement pour que les audiences aient lieu le plus tôt possible et que toute la vérité soit faite avant les prochaines élections. »

Mais avant toute chose, le ministre LeBlanc va consulter des experts et les partis de l’opposition pour décider de la direction que prendront les travaux dans ce dossier qui a fait couler beaucoup d’encre à Ottawa ces dernières semaines.

Informations confidentielles

Dans son rapport préliminaire, le rapporteur spécial sur l’ingérence, David Johnston, avait exclu l’idée de tenir une enquête publique sur la question de l’ingérence étrangère, en raison de la nature confidentielle des questions en jeu, au grand dam des chefs de l’opposition.

Cependant, M. Johnston a annoncé vendredi qu’il quitterait ses fonctions d’ici la fin du mois, citant le climat « hautement partisan » autour de sa nomination et de son travail qui l’avait empêché, à son avis, de redonner confiance aux Canadiens envers leurs institutions démocratiques.

Maintenant que le rapporteur spécial va quitter ses fonctions, « toutes les options sont possibles », selon le gouvernement, que ce soit le déclenchement d’une enquête publique ou la nomination d’une personne qui reprendra le flambeau directement là où M. Johnston va le laisser à son départ.

« Si, ultimement, une enquête publique faite de la bonne façon et dirigée par la personne idéale est possible, nous serons tout à fait ouverts aux suggestions », a affirmé M. LeBlanc samedi.

Pas un autre rapporteur, prévient Pierre Poilievre

La nomination de M. Johnston était controversée dès le départ. M. Poilievre l’a rapidement accusé d’être trop proche de la famille Trudeau pour être en mesure de fournir un regard impartial sur les mesures du gouvernement.

M. Johnston était effectivement ami avec Pierre Elliott Trudeau et a fait plusieurs voyages de ski avec la famille Trudeau lorsque l’actuel premier ministre était enfant.

Les bloquistes et néo-démocrates avaient aussi demandé à M. Johnston de démissionner. En fait, tous les partis d’opposition ont uni leurs forces pour faire adopter une motion aux Communes demandant le départ du rapporteur spécial et le déclenchement d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère.

Depuis l’automne dernier, le Globe and Mail et Global News ont publié une série de reportages citant des sources anonymes au sein des agences de sécurité qui alléguaient l’existence d’un effort coordonné de Pékin pour s’ingérer dans les élections fédérales de 2019 et 2021.

En mars, confronté à une pression de plus en plus forte tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Chambre des communes, M. Trudeau a nommé M. Johnston en tant que rapporteur spécial sur l’ingérence et lui a donné le mandat de définir les mesures à prendre pour que le gouvernement puisse s’attaquer efficacement à ce problème.

M. Johnston a finalement tranché que l’enquête publique n’était pas la bonne solution, prônant plutôt « la tenue d’audiences publiques visant à la fois à sensibiliser le public et à considérer la nécessité de réformer divers aspects des systèmes et des politiques du gouvernement liés à l’ingérence étrangère ».

Dans sa lettre de démission, envoyée vendredi en fin de journée, M. Johnston a encouragé le premier ministre à nommer une « une personne respectée, dotée d’une expérience en sécurité nationale » pour terminer le travail qu’il a amorcé. Il lui a suggéré de consulter les partis d’opposition pour choisir cette personne.

Mais les conservateurs ne veulent pas voir M. Trudeau nommer un autre rapporteur spécial. Dimanche, M. Poilievre a plutôt réitéré sa demande concernant une enquête publique.

« Nous voulons que M. Trudeau mette fin à la dissimulation, qu’il appelle une enquête publique et je vais travailler avec nos collègues de l’opposition pour m’assurer que la personne qui va remplir ce rôle sera indépendante et impartiale », a souligné M. Poilievre.