(Québec ) Le gouvernement Legault tasse d’un revers de main les critiques des personnes étonnées de devoir attester de « bonne foi » qu’elles peuvent communiquer en anglais avec l’État. Le ministre de la Langue française, Jean-François Roberge, a un conseil pour ceux qui sont tentés de contourner la loi : « Vous pouvez toujours mentir si vous voulez au quotidien dans votre vie de tous les jours, mais je ne vous le recommande pas. Vous allez moins bien dormir. »

Depuis jeudi, des dispositions de la loi 96 sur la langue française concernant l’exemplarité de l’État sont entrées en vigueur. Le gouvernement du Québec, les sociétés d’État et les organismes gouvernementaux, de même que les municipalités, ont désormais l’obligation de servir les citoyens en français.

La loi 96, adoptée dans le premier mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ) par le ministre Simon Jolin-Barrette, prévoit toutefois que les citoyens s’identifiant à quatre groupes désignés peuvent continuer de recevoir des services en anglais : les Québécois admissibles à l’éducation en anglais, les membres des peuples autochtones et les Inuits, les immigrants qui sont au Québec depuis moins de six mois et tous ceux qui communiquaient en anglais avec l’État avant le 13 mai 2021.

« On ne va pas émettre une carte ou un fichier des Québécois [qui peuvent communiquer en anglais avec l’État] dans un registre. On n’ira pas là. Je pense que de se fier à la bonne foi des Québécois » est la chose à faire, a défendu vendredi M. Roberge.

Le ministre a ajouté qu’il était fier de cette orientation gouvernementale, alors que les messages se multiplient depuis jeudi sur les lignes téléphoniques et les sites internet gouvernementaux pour demander aux gens qui utilisent des services en anglais de le faire seulement s’ils s’identifient à l’un des quatre groupes.

« Je pense que c’est la bonne manière de faire ! […] C’est un message important, c’est un changement de mentalité et je ne suis pas gêné de l’opérer, au contraire. Je suis très fier de le faire », a dit M. Roberge.

Côte-Saint-Luc se moque de Québec 

Dans l’île de Montréal, la Ville de Côte-Saint-Luc a modifié le message automatique qui est lu aux citoyens qui appellent à sa ligne d’information pour indiquer que tous ceux qui veulent communiquer avec elle en anglais peuvent le faire sans devoir fournir la preuve généalogique qu’ils appartiennent à la communauté historique anglophone du Québec.

« Traiter de la question de la langue française comme ça, avec mépris, […] je ne pense pas que c’est la bonne manière » de faire, a dit M. Roberge.

Le ministre des Finances, Eric Girard, qui est aussi ministre responsable des Relations avec les Québécois d’expression anglaise, a dit que le gouvernement allait agir avec « discernement ». Selon lui, les dispositions de la loi 96 qui sont entrées en vigueur nécessitent une période d’ajustement.

« Les anglophones qui ont besoin d’avoir accès à des services en anglais, on va continuer à les servir avec discernement, de façon intelligente, et on va continuer de vivre ensemble et tout va bien aller », a dit M. Girard.

L’opposition mal à l’aise

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Tanguay, a pour sa part affirmé vendredi que les méthodes de la CAQ pour promouvoir le français étaient inadéquates. « Ce n’est pas par de telles mesures qu’on va faire avancer le français », a-t-il affirmé.

La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal, dont le parti a voté en faveur de la loi 96, a dit que son parti annulerait certains éléments de la loi 96, s’il formait le gouvernement, parce qu’ils ne sont pas applicables.

Du côté du Parti québécois (PQ), le député Pascal Bérubé a rappelé que sa formation politique avait voté contre la loi 96 « parce que ça n’allait pas assez loin sur l’essentiel [et] trop loin sur des choses qui n’ont pas d’impact ».

« [Ce n’est] pas le genre de mesures qui est susceptible de créer de l’adhésion au français », a-t-il affirmé.