(Ottawa et Québec) S’il relève des « mesures intéressantes » pour les communautés francophones des autres provinces dans le plan d’action fédéral sur les langues officielles, le gouvernement Legault déplore n’avoir rien vu jusqu’ici dans le document pour protéger le français au Québec. Seulement une fraction des 4,1 milliards concerne la langue française sur le territoire québécois.

« À titre de ministre responsable de la Langue française au Québec, je n’ai pas encore vu dans le plan des mesures qui sont en concordance avec la déclaration du premier ministre Trudeau et de la ministre des Langues officielles, à savoir que le français au Québec est menacé », a réagi Jean-François Roberge mercredi, quelques heures après l’annonce d’Ottawa.

Le nouveau Plan d’action pour les langues officielles dévoilé mercredi à Ottawa prévoit 1,4 milliard de financement supplémentaire sur cinq ans, pour un total de 4,1 milliards. Son objectif est de renverser le déclin du français au pays. L’un de ses plus gros piliers vise à stimuler l’immigration pour rétablir le poids démographique des francophones à l’extérieur du Québec.

« On le sait, le français est minoritaire en Amérique du Nord et ça rend sa situation fragile », a déclaré le premier ministre, Justin Trudeau, en conférence de presse.

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Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

Avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, l’anglais prend de plus en plus de place à travers le monde.

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Or, environ 20 % de l’enveloppe devrait être attribuée pour soutenir l’anglais au Québec, a confirmé une haute fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien lors d’une séance d’information. Tout dépendra des demandes qui seront faites par les organismes de la communauté anglophone québécoise, mais c’est généralement la proportion de l’enveloppe qui leur est destinée, a-t-elle précisé.

Le nouveau Plan d’action sur les langues officielles prévoit déjà 137,5 millions supplémentaires pour les arts, la culture et le patrimoine des Anglo-Québécois.

« Je veux bien que les communautés anglophones du Québec aient les moyens de se développer. Je comprends que le gouvernement fédéral aille dans cette direction-là. Mais qu’en est-il pour les organismes communautaires, les organisations qui défendent le fait français au Québec ? Ça prend une asymétrie », a réagi le ministre Roberge.

« Je ne pense pas qu’il y ait quelque somme que ce soit qui soit nécessaire pour protéger les anglophones du Québec parce qu’ils ne sont pas menacés », a commenté pour sa part le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, tout en invitant Ottawa à cesser d’intervenir « sur le régime linguistique du Québec ».

Pas de contradiction

Le premier ministre Justin Trudeau n’a répondu à aucune question des médias en conférence de presse, laissant ce soin à la ministre Petitpas Taylor. Celle-ci ne voit pas de contradiction entre la défense du français et le fait de verser environ le cinquième de cet argent pour soutenir l’anglais au Québec.

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La ministre des Langues officielles du Canada, Ginette Petitpas Taylor

C’est vraiment pour appuyer nos communautés de langues officielles en situation minoritaire, qui incluent les anglophones du Québec. […] Mais soyons clairs, la seule langue qui est menacée au Canada, c’est le français.

Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles

Elle a rappelé que le poids du français continue de diminuer au Canada, selon le dernier recensement. La proportion de personnes dont la langue maternelle est le français a chuté de 77,1 % à 74,8 % de 2016 à 2021 au Québec et de 20,6 % à 19,6 % dans l’ensemble du pays.

Le Québec aura accès à certaines enveloppes du Plan d’action sur les langues officielles qui seront partagées entre l’ensemble des provinces et des territoires, a confirmé le cabinet de Mme Petitpas Taylor. Il pourra donc obtenir une portion des 243 millions qui seront alloués à compter de l’an prochain à l’apprentissage du français langue seconde, des 8,5 millions pour la diffusion des savoirs scientifiques en français, des 6,5 millions pour le Conseil des ministres de la francophonie canadienne et des 5 millions des stages dans le secteur des arts et de la culture.

Le ministre Roberge a salué certaines de ces mesures et nuancé son propos en reconnaissant « qu’il y a quand même du positif » dans le nouveau plan fédéral, particulièrement pour les communautés francophones minoritaires.

Rétablir le poids démographique

La Fédération des communautés francophones et acadienne a souligné « les sommes historiques » accordées aux langues officielles. Les quatre piliers du plan d’action correspondent à ses demandes.

On a été entendus, on a été écoutés et on s’aperçoit que vraiment on parle beaucoup du poids démographique.

Liane Roy, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne

Le Plan d’action sur les langues officielles accorde 137,2 millions supplémentaires pour stimuler l’immigration francophone à l’extérieur du Québec, pour un total de 221,5 millions sur cinq ans. Le gouvernement fédéral s’était donné pour cible en 2003 d’attirer 4,4 % d’immigrants francophones dans les provinces anglophones. Il l’a atteinte pour la première fois en 2022.

La FCFA exige une cible plus ambitieuse d’au moins 12 % pour rétablir le poids démographique des francophones. La nouvelle cible sera fixée par le ministère fédéral de l’Immigration après l’adoption du projet de loi C-13 sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, dont le débat en troisième lecture à la Chambre des communes a commencé mercredi. Le texte législatif prévoit l’adoption d’une politique en matière d’immigration francophone avec des objectifs, des cibles et des indicateurs.

Les autres piliers du Plan d’action sur les langues officielles sont l’éducation et la petite enfance, la vitalité des communautés et la promotion du français et de l’anglais au sein des ministères. La somme totale de 4,1 milliards qui y est attribuée jusqu’en 2028 est un peu plus élevée que les 3,8 milliards annoncés dans le dernier budget fédéral.