(Ottawa) Le gouvernement Trudeau s’apprête à changer son approche face à l’esclavage moderne, promettant une nouvelle législation qui a pris au dépourvu le député libéral qui a chapeauté au parlement un projet de loi sur le travail forcé.

Le député torontois John McKay a travaillé sur le projet de loi S-211, qui mettrait à jour les lois canadiennes sur le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement.

Le projet de loi approche de sa phase finale avant de devenir une loi à compter de ce mois-ci. Elle obligerait les entreprises canadiennes et les ministères gouvernementaux à surveiller les chaînes d’approvisionnement, dans le but de protéger les travailleurs.

Les entreprises devraient vérifier qu’aucun de leurs produits ou composants n’est fabriqué dans des ateliers clandestins employant des enfants ou des personnes contraintes de travailler des heures excessives gratuitement ou pour un salaire dérisoire. Les compagnies devraient également publier des rapports.

Le projet de loi a d’abord été déposé au Sénat par la sénatrice Julie Miville-Dechêne, dont le bureau n’a pas répondu à une demande d’entrevue.

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La sénatrice Julie Miville-Dechêne

Mme Miville-Dechêne a précédemment averti que des produits tels que le café, le cacao et la canne à sucre pourraient être liés au travail des enfants ou fabriqués dans des usines de la région du Xinjiang en Chine où des membres de la communauté ouïghoure sont contraints de travailler.

Le projet de loi a été critiqué par le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et les défenseurs des droits de la personne pour n’imposer qu’une obligation de signaler au lieu d’éliminer le travail des enfants.

Les oppositions soutiennent que l’exigence de déclaration ne correspond pas à l’engagement de la plateforme libérale « d’éradiquer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes ».

M. McKay soutient qu’il s’agit du résultat de ce qui est politiquement possible et que la législation introduirait plus de transparence au Canada que dans de nombreux autres pays. Selon lui, les consommateurs et les banquiers pourraient utiliser les informations pour faire pression sur les entreprises.

« Espérons qu’avec une certaine génération d’informations, nous pourrions passer à des lois plus onéreuses, où les entreprises qui ne se conforment pas s’exposent à des poursuites », a fait valoir M. McKay, qui a mentionné que son gouvernement ne l’avait pas informé de ce que le nouveau projet de loi impliquerait.

Donner une impulsion

Le ministre du Travail, Seamus O’Regan, n’était pas disponible pour une entrevue au cours des derniers jours lors de la tournée post-budgétaire des libéraux. Cependant, son bureau a déclaré que l’intention de la nouvelle législation est de créer une impulsion pour que les entreprises et les gouvernements agissent réellement lorsqu’ils identifient un cas de travail forcé.

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Le ministre du Travail, Seamus O’Regan

« Nous éliminons le travail forcé des chaînes d’approvisionnement canadiennes, a déclaré M. O’Regan dans un communiqué. Mon travail consiste à m’assurer que nous rédigeons la législation la plus efficace possible qui non seulement identifie ces biens, mais qui a aussi les dents pour agir en conséquence. Cela enverra un message clair au monde : le travail forcé n’a pas sa place au Canada. »

M. McKay souhaite que son collègue dépose quelque chose rapidement. « J’espère qu’il présentera tout ce qu’il a en tête le plus tôt possible, a-t-il déclaré. Il est clair qu’il veut faire quelque chose d’assez robuste, et je ne fais que l’encourager à le faire. »

Le Projet de défense des droits des Ouïghours a qualifié le projet de loi S-221 de « législation faible ». Il a soutenu que le Canada dispose déjà d’outils et d’obligations en vertu de la Loi sur les douanes pour empêcher les marchandises fabriquées par l’esclavage d’entrer dans les chaînes d’approvisionnement.

« Alors que d’autres gouvernements progressent dans le traitement des biens produits par le recours au travail forcé ouïghour, le Canada prend du retard », a écrit le groupe dans un communiqué de presse le 28 mars.

« Les réponses à ce sujet vont du déni d’un problème aux limites de la loi canadienne, en passant par le manque d’accès à l’information », a-t-il ajouté.