(Québec) Le Curateur public ne protège pas suffisamment les personnes inaptes sous tutelle privée contre les abus financiers et de mauvaise gestion, déplore le Protecteur du citoyen, qui met en cause un trop-plein de bureaucratie, un manque de personnel et un système informatique désuet.

« Plus on intervient rapidement, plus on est à même de faire cesser l’abus. Dans plusieurs cas où le Curateur public a tardé à intervenir, bien, le tuteur a fait faillite, la personne représentée est décédée », a déploré le protecteur Marc-André Dowd en conférence de presse jeudi.

Il présentait son rapport Sous tutelle, mais toujours vulnérable, qui détaille son enquête sur le Curateur public et ses pratiques de surveillance des tutelles privées.

Au Québec, on compte plus de 33 000 personnes adultes inaptes sous protection. Au total, 9400 adultes ont un tuteur privé, c’est-à-dire une personne proche désignée pour agir en leur nom.

M. Dowd et son équipe concluent que le chien de garde des plus vulnérables de la société, en « présence d’abus financiers ou de mauvaise gestion de certains tuteurs », « prend parfois trop de temps pour réagir, ne prend pas systématiquement les mesures qui s’imposent et n’effectue pas toujours un suivi suffisant ».

La bureaucratie du Curateur peut être améliorée, mais il est « évident » qu’une « charge de travail trop importante », que la « pénurie de personnel » et que le « système informatique désuet » sont également responsable de ces ratés, note-t-il.

Il fait ainsi écho à des enquêtes de La Presse, qui a révélé l’an dernier que la charge de travail des employés du Curateur était « abrutissante »1, mais que des employés faisaient subir des tracasseries administratives à des curateurs privés2.

Voyage dans le Sud payé par une personne inapte

« Si on attend plusieurs mois, disons, bien, le tuteur qui est de mauvaise foi ou qui abuse, il peut poursuivre son abus durant cette période-là, d’une part. Et, d’autre part, c’est également démontré que c’est plus difficile d’aller récupérer l’argent après, par exemple, quelques années ou plusieurs mois. C’est difficile », a expliqué M. Dowd.

Il a donné plusieurs exemples. Dans un cas, un tuteur avait prêté 60 000 $ provenant du patrimoine d’une personne inapte, et multiplié les « transactions douteuses ». « Au total, 15 années se sont écoulées avant que le Curateur public soit nommé tuteur », révèle M. Dowd.

Autre cas troublant : une personne sous tutelle a reçu un héritage de 200 000 $ en 2012. Or, le Curateur a attendu à janvier 2014, « soit un peu plus de six mois après la réception du compte annuel de gestion », pour faire une demande de « sûreté » du bien. « La personne représentée et d’autres membres de la famille étaient partis à l’étranger pour l’hiver, et ce, avec l’argent de la personne sous protection ». En 2022, le Curateur « évaluait toujours ses recours en vue de récupérer certaines sommes ». L’abus total est évalué à 105 000 $.

Parfois, les retards s’accumulent. Dans un cas, un examen d’un compte annuel de gestion a duré 268 jours. Dans l’autre, le Curateur a mis 14 mois pour communiquer une recommandation. Et malgré le fait qu’il a décelé un « possible abus financier » dans un dossier remis en 2018, il n’avait toujours pas « statué » lors de l’enquête du Protecteur. « La complexité du dossier et de nombreux mouvements de personnel expliquent en partie le non-respect des délais », peut-on lire dans le document.

De son côté, le Curateur a affirmé dans un communiqué de presse qu’il partageait les constats du Protecteur du citoyen, et qu’il avait déjà mis en place un plan d’action pour remédier à ces lacunes. « Certaines mesures ont déjà été réalisées, notamment l’ajout d’effectifs en représentation privée, alors que d’autres sont en cours d’élaboration. Citons, par exemple, la création d’un portail web d’échanges pour faciliter et moderniser les communications avec les représentants légaux », a expliqué l’organisme.

1. Lisez l’enquête « Curateur public du Québec : employés submergés, clientèle négligée » 2. Lisez l’article « Le Curateur public de nouveau pris à partie »