(Ottawa) Aussitôt demandée, aussitôt rejetée : jugeant « imprudente » la requête du chef conservateur Pierre Poilievre de fermer le chemin Roxham d’ici 30 jours, le gouvernement Trudeau a promptement fermé la porte à l’ultimatum, mardi.

« Le Parti conservateur revendique que d’ici 30 jours, Justin Trudeau trouve une façon de fermer le chemin Roxham et qu’il utilise les ressources que ça va économiser pour procéder avec les applications légitimes des réfugiés qui sont en attente en ce moment », a-t-il sommé en conférence de presse à Ottawa, mardi.

Par quel mécanisme fermerait-on le chemin Roxham ? Le chef de l’opposition n’a pas offert de précision.

Il ne juge par ailleurs « pas nécessaire » de suspendre l’Entente sur les tiers pays sûrs qui lie le Canada aux États-Unis, ou de s’en retirer unilatéralement. « On essaie de trop compliquer les choses », a-t-il lâché au micro installé dans le foyer de la Chambre des communes.

La pression se fait forte sur Justin Trudeau pour qu’il trouve une solution par l’entremise de la renégociation de l’Entente sur les tiers pays sûrs, d’autant plus que le président des États-Unis, Joe Biden, est attendu en visite officielle au Canada en mars prochain.

« Joe Biden n’est pas à blâmer [et] ce n’est pas à lui de régler le problème » ; il est plutôt du ressort de Justin Trudeau, qui a « brisé » le système d’immigration, de s’y attaquer, a insisté Pierre Poilievre, prédisant d’ores et déjà que le premier ministre canadien tentera de se défiler.

« Évidemment, Justin Trudeau va essayer de blâmer d’autres personnes », a-t-il pesté.

Des idées « imprudentes »

La requête de Pierre Poilievre a vite été balayée du revers de la main par le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser. Car en l’absence d’un plan « pour en gérer les conséquences », bloquer le chemin Roxham « ne résoudra pas le problème », a-t-il argué, mardi.

« Cela ne fera qu’encourager d’autres passages irréguliers, dont beaucoup mettent les migrants en grand danger et placerait les communautés dans une position encore plus difficile pour répondre aux besoins », a plaidé le ministre dans une déclaration transmise par son Cabinet.

Il a ajouté que « les idées présentées par Pierre Poilievre » étaient « non seulement imprudentes », mais qu’au surplus, elles manquaient « de profondeur et de compréhension », alors que le Canada « travaille à naviguer à travers une crise mondiale de migration ».

Le député bloquiste Alexis Brunelle-Duceppe se désole de ces tergiversations, dont les conséquences sont à son avis « malheureusement dramatiques » tant pour les migrants qui se présentent au chemin Roxham que pour le Québec.

« D’un côté, on a le chef conservateur qui demande de fermer le chemin Roxham sans préciser comment il le ferait et, de l’autre, on a un gouvernement qui détient le levier nécessaire pour résoudre cette crise, c’est-à-dire suspendre l’entente sur les tiers pays sûrs, et qui ne l’utilise pas », a-t-il déploré.

Une autre offensive de Legault

Le chef de l’opposition officielle a fait cette sortie dans la foulée de la publication d’une lettre ouverte signée par François Legault sur le site du quotidien anglophone The Globe and Mail, intitulée « Il est temps de colmater la brèche au chemin Roxham et de faire respecter les frontières du Canada ».

Il y fait de nouveau allusion à un tweet publié par Justin Trudeau en 2017, alors que le premier ministre avait écrit à « tous ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre » que le Canada serait pour eux une terre d’accueil, dans la foulée de l’adoption du décret migratoire par Donald Trump au sud de la frontière.

« C’était généreux de la part de M. Trudeau, et nous avons raison d’être fiers de notre bilan en matière d’accueil des réfugiés […], mais ses bonnes intentions sont devenues un réel problème pour le Québec et le Canada », écrit le premier ministre Legault dans sa missive.

La veille, il avait envoyé une lettre à son homologue fédéral, en tenant des propos de même nature, et aussi, en l’exhortant de faire en sorte que la totalité des demandeurs d’asile qui arrivent au Canada par le chemin Roxham soit redirigée ailleurs au pays.

L’an dernier, un nombre record de 39 171 demandeurs d’asile ont été interceptés au chemin Roxham, un point d’entrée non officiel situé à Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie.

Avec Caroline Plante, La Presse Canadienne