(Québec) La majorité des automobilistes respectent la limite de vitesse de 30 km/h à proximité des écoles, estime le premier ministre François Legault, qui appelle à la prudence après la mort « tellement triste » d’une petite réfugiée ukrainienne, happée mardi par un chauffard à Montréal. Des données de CAA-Québec démontrent pourtant que les limites de vitesse sont très souvent bafouées par les automobilistes.

Lorsqu’un journaliste a demandé à M. Legault ce que son gouvernement pourrait faire pour s’assurer que les automobilistes ralentissent à proximité des écoles, le premier ministre a affirmé que « la majorité des Québécois respectent les limites de vitesse dans les zones scolaires ».

« On a des policiers qui s’assurent que c’est le cas. Je demande aux Québécois d’être prudents, on parle de nos enfants », a-t-il ajouté. M. Legault lance toutefois un « appel » aux automobilistes. « S’il vous plaît, dans les zones scolaires, soyez prudents », a-t-il souligné.

Pourtant, selon une expérience menée par CAA-Québec cette année aux abords des écoles, jusqu’à 96 % des automobilistes ont dépassé la limite de vitesse prescrite, certains allant jusqu’à dépasser les 70 km/h dans une zone de 30 km/h.

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Mardi matin, pendant qu’elle marchait vers l’école en compagnie de son frère et de sa sœur, une fillette de 7 ans a été happée par un automobiliste qui a ensuite pris la fuite. Son décès a été confirmé en début de soirée, environ 30 minutes avant le début d’une veillée aux chandelles visant initialement à soutenir son rétablissement.

Transport actif

« C’est tellement triste, ce qui est arrivé. On a quelqu’un qui part d’une zone de guerre et qui s’en vient ici se faire frapper, c’est tellement triste », a réagi M. Legault.

Des citoyens ont dénoncé la dangerosité du secteur scolaire à proximité des rues de Rouen et Parthenais, là où la fillette a été fauchée par un chauffard. Et d’autres parents ont critiqué le manque de mesures d’apaisement de la circulation autour d’écoles dans d’autres villes.

Le transport actif – les déplacements à pied ou à vélo – fait partie des stratégies du gouvernement Legault pour lutter contre les changements climatiques et pour permettre aux jeunes d’avoir une meilleure santé physique. Le 7 décembre, la ministre du Sport, Isabelle Charest, plaidait d’ailleurs pour ça.

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« Le transport actif, j’y crois à 100 milles à l’heure. Il est venu un moment où les parents n’envoyaient plus leurs enfants à vélo ou à pied à l’école parce que c’était trop dangereux. Je pense que cette tendance est inversée de plus en plus », disait-elle en entrevue avec La Presse.

Appel à l’action

Pour Piétons Québec, il faut que le gouvernement Legault passe à l’action pour protéger les élèves, mais également tous les piétons. La directrice générale de l’organisme, Sandrine Cabana-Degani, souligne que le ministère des Transports a adopté en 2018 une politique sur le transport durable dans laquelle il faisait la promotion d’une stratégie Vision zéro accident au Québec. « Afin de diminuer davantage le nombre de décès et blessés graves sur les routes du Québec, les gestionnaires de réseaux routiers doivent réviser leur façon de concevoir les systèmes de transport, notamment en optimisant les infrastructures destinées aux usagers vulnérables », peut-on lire dans le document.

Quatre ans plus tard, Piétons Québec attend toujours un plan d’action, une stratégie ou des budgets pour que les choses changent. « Intervenir sur les aménagements, comme installer des saillies de trottoirs, des dos d’âne ou rendre les rues moins larges, ça coûte quelque chose, il faut de l’argent. Les maires et mairesses de plusieurs villes disent que leurs rues principales, des routes du MTQ, ne sont pas sécuritaires », déplore-t-elle.

Mme Cabana-Degani presse Québec d’adopter un règlement pour rendre obligatoire l’aménagement de corridors scolaires sûrs partout au Québec, car trop souvent, la sécurité des élèves dépendant de leur lieu de résidence.

Responsabilité de l’État

Christian Savard, directeur général de Vivre en ville, abonde en ce sens. Il estime qu’il faut faire mieux, et vite. « Ce que je regrette des propos de M. Legault, c’est qu’il lance encore une fois le message […] le statu quo est correct. Il faut constater qu’il y a un problème pour améliorer les choses », lance-t-il.

« La SAAQ ne doit pas se réjouir quand le bilan piéton est de moins en moins reluisant. Il faut prendre acte collectivement que ça ne marche pas, et ça commence par l’État québécois », selon M. Savard.

M. Savard prêche pour que les aménagements routiers, partout dans les secteurs résidentiels, entraînent une réduction de la vitesse. Il souligne l’exemple de la France, où, à Paris, l’automobile est interdite à proximité de certaines écoles. Pendant ce temps, le ministère des Transports a refusé de financer l’installation d’un trottoir dans le village de Saint-Flavien, même si un rapport du coroner en recommandait la construction, après la mort d’une fillette happée alors qu’elle marchait vers l’école, a-t-il déploré.

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