(Halifax) Le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), Mike Duheme, a publié mercredi une stratégie décrivant comment la police nationale adaptera ses pratiques à la suite de l’enquête sur la fusillade de masse de 2020 en Nouvelle-Écosse, lors de laquelle 22 personnes ont perdu la vie.

Près d’un an après la publication du rapport final de l’enquête publique qui offrait une critique cinglante de la réponse de la GRC à la fusillade, Mike Duheme a reconnu qu’il pouvait comprendre pourquoi les Canadiens restaient sceptiques quant à l’engagement de la GRC en faveur du changement.

Le rapport d’enquête révèle que la GRC n’a pas détecté les signes avant-coureurs concernant le tueur, notamment des rapports faisant état de violence familiale, de possession d’armes à feu illégales et de démêlés répétés avec la justice. De plus, l’enquête a révélé que la GRC avait tardé avant d’avertir le public, jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour certaines des victimes.

« Il s’agit de la pire fusillade de masse que le Canada ait jamais connue », a affirmé M. Duheme lors d’une conférence de presse à Millbrook, en Nouvelle-Écosse. Le commissaire de la GRC s’est engagé à mettre en œuvre des changements. « Si nous ne changeons pas, nous allons perdre la confiance des Canadiens », a-t-il affirmé.

Millbrook fait partie de la douzaine de communautés majoritairement rurales traversées par le tueur au cours d’un déchaînement de 13 heures qui a débuté à Portapique, en Nouvelle-Écosse, dans la nuit du 18 avril 2020.

Déguisé en gendarme et conduisant une réplique d’un véhicule de police, Gabriel Wortman, a abattu 13 personnes la première nuit et neuf autres personnes le lendemain, dont une femme enceinte et un agent de la GRC.

« Je vis mal avec ce que (les proches) ont vécu, a raconté M. Duheme mercredi. Je ne peux même pas imaginer ce qu’ils ont traversé, perdre des êtres chers d’une telle manière. Je suis désolé. »

Dans la nouvelle stratégie, M. Duheme admet que la réponse du corps policier fédéral à d’autres examens externes de son travail menés au cours des 20 dernières années « n’a pas toujours été exhaustive ». De plus, il a reconnu que la GRC n’a pas toujours été transparente quant au travail qu’elle a accompli pour changer ses pratiques.

« Je veux que vous puissiez faire confiance à la GRC », a-t-il expliqué lors de la conférence de presse avant de citer une longue liste de mesures prises par le corps de police depuis 2020 pour améliorer la sécurité publique. « Lorsque j’ai accepté le poste de commissaire de la GRC (il y a presque un an), je savais que nous pouvions changer. Vous avez mon engagement, nous continuerons sur cette voie. »

L’avocate Sandra McCulloch, qui représente la plupart des familles des victimes, a déclaré que les clients avec lesquels elle a parlé mercredi n’étaient pas impressionnés par la stratégie de la GRC.

« La (GRC) assume la responsabilité des recommandations et des changements, mais il y a beaucoup de flou et d’ambiguïté en ce qui concerne les changements qui ont été apportés », a-t-elle déploré après la conférence de presse.

L’enquête publique, officiellement connue sous le nom de Commission des pertes massives, a révélé des échecs généralisés dans la manière dont la GRC a réagi à la fusillade de masse. En mars dernier, la Commission a formulé 130 recommandations non contraignantes pour améliorer la sécurité publique, dont la plupart s’appliquent sous une forme ou une autre à la GRC.

M. Duheme a déclaré que 33 de ces recommandations s’appliquent directement à la GRC, et 55 autres s’appliquent à la force policière et à ses partenaires des gouvernements fédéral et provincial, ainsi qu’à d’autres services de police.

La GRC affirme avoir déjà répondu à deux recommandations clés, chacune assortie d’un délai de six mois : l’une portant sur la formation en matière d’intervention en cas d’incident critique et l’autre sur la culture de gestion.

En ce qui concerne la réponse aux incidents critiques, les trois commissaires ont constaté que lorsque la fusillade a commencé à Portapique, la police a ignoré les déclarations des témoins et que le tout a été si mal géré que les policiers étaient toujours en retard sur le tueur.

La GRC a publié en ligne un rapport examinant la façon dont elle forme les superviseurs de première ligne, affirmant qu’elle donne suite aux conclusions de l’étude.

Quant à la sélection des officiers supérieurs et du personnel de la GRC, le rapport final de l’enquête cite un groupe de travail de 2015 qui a conclu que la culture de gestion de la GRC décourage les dirigeants de relayer les mauvaises nouvelles jusqu’à la chaîne de commandement et de prendre des décisions qui pourraient ensuite être critiquées.

« Nous avons identifié dans nos procédures des preuves qui suggèrent que cette tendance perdure aujourd’hui », indique le rapport final de l’enquête.

L’enquête a révélé que la culture de gestion de la GRC contrecarre l’apprentissage et la responsabilisation institutionnels. L’enquête indique une longue liste de « schémas malsains », notamment une résistance à reconnaître les erreurs ; un manque de ressources pour répondre aux critiques et une résistance à reconnaître l’existence du sexisme et du racisme systémique au sein de ses rangs.

« La GRC ne résoudra pas ces problèmes tant qu’elle ne sera pas en mesure de reconnaître la persistance de ces problèmes au sein de sa culture de gestion et de remédier à la tendance à refuser de reconnaître que des erreurs ont été commises », indique le rapport d’enquête de 3000 pages.

En conséquence, la commission d’enquête a demandé à la GRC d’expliquer comment elle modifiera ses critères de sélection des cadres supérieurs « pour mettre fin aux aspects malsains de la culture de gestion de la GRC ».

Dans un rapport de la GRC publié en ligne l’automne dernier, la GRC a déclaré que la transformation de sa culture de travail était une priorité. « En ce qui concerne le leadership, même si beaucoup de travail a été accompli, il est reconnu qu’il existe des possibilités d’amélioration dans un certain nombre de domaines. » La police a également publié en ligne un rapport détaillé sur la manière dont elle sélectionne, forme et promeut les hauts dirigeants.

M. Duheme et le commissaire adjoint Dennis Daley, commandant de la GRC en Nouvelle-Écosse, ont souligné plusieurs autres changements annoncés plus tôt, notamment l’expansion des équipes d’intervention d’urgence de la GRC et l’introduction de Blue Force Tracking (« Suivi des forces amies »), qui permet de géolocaliser des agents sur le terrain.

La GRC a également adopté le système d’urgence « En Alerte » partout au Canada, amélioré les communications radio en Nouvelle-Écosse et resserré les règles concernant le moment où les agents peuvent consommer des drogues récréatives et de l’alcool.