(Ottawa) La commission sur l’ingérence étrangère devrait entendre mercredi des membres des communautés de la diaspora, ce qui représente le début de deux semaines de témoignages sur les allégations d’ingérence étrangère et sur la manière dont le gouvernement y a répondu.

Les audiences porteront sur des allégations d’ingérence étrangère de la Chine, la Russie, l’Inde et d’autres pays lors des deux dernières élections générales au Canada.

La commission d’enquête, menée par la juge québécoise Marie-Josée Hogue, s’attend à entendre les témoignages de plus de 40 personnes, dont des membres des communautés, des représentants de partis politiques et des responsables des élections fédérales.

Le premier ministre Justin Trudeau, des membres de son cabinet et divers hauts responsables du gouvernement devraient également comparaître aux audiences, qui se dérouleront du 27 mars au 10 avril. Un rapport préliminaire de la juge est attendu d’ici au 3 mai.

L’enquête s’orientera ensuite, dans une seconde phase, vers des questions politiques plus larges, comme la capacité du gouvernement à détecter, dissuader et contrer l’ingérence étrangère. Un rapport final est attendu d’ici la fin de l’année.

Les tentatives d’ingérence dans les affaires canadiennes sont depuis longtemps une réalité. Un rapport des services de renseignement de 1986 soulignait que Pékin utilisait des tactiques politiques et des opérations secrètes pour influencer et exploiter la diaspora chinoise au Canada.

En février de l’année dernière, le quotidien The Globe and Mail, citant des documents classifiés du Service canadien du renseignement de sécurité, a déclaré que la Chine avait travaillé pour assurer la victoire de la minorité libérale aux élections générales de 2021 et pour vaincre les politiciens conservateurs considérés comme hostiles envers Pékin

Le mois suivant, le gouvernement fédéral a annoncé qu’un rapporteur indépendant se pencherait sur l’ingérence étrangère, l’une des nombreuses mesures visant à contrer l’ingérence et à renforcer la confiance dans le processus électoral.

L’ancien gouverneur général David Johnston, qui avait alors été nommé, a affirmé dans un rapport publié en mai dernier qu’il y avait de « graves lacunes » dans la manière dont les renseignements sont communiqués et traités, des agences de sécurité au gouvernement.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

David Johnston

Cependant, il n’a trouvé aucun exemple de ministres, du premier ministre ou de leurs cabinets qui auraient omis, sciemment ou par négligence, de donner suite aux renseignements, conseils ou recommandations.

David Johnston a ajouté que plusieurs documents divulgués soulevant des questions légitimes ont été mal interprétés par certains médias, probablement en raison d’un manque de contexte.

Enfin, il s’est prononcé contre une enquête publique, affirmant qu’un commissaire se heurterait aux mêmes obstacles de secret qui ont marqué son travail. « Ce serait insatisfaisant, tout comme mon processus, car cela ne peut pas se faire en public », a-t-il écrit.

Cependant, alors que de nouvelles fuites étaient invoquées dans les médias et que les partis d’opposition faisaient pression, le gouvernement a annoncé en septembre que Mme Hogue dirigerait une enquête publique.

Des audiences publiques préliminaires ont eu lieu à la fin janvier au sujet de la complexité d’aborder, de façon la plus transparente possible, des questions de sécurité nationale.

Malgré cela, Mme Hogue a déclaré plus tôt ce mois-ci qu’elle avait accepté une demande fédérale de présenter certaines preuves dans des audiences privées.

La commissaire s’est dite convaincue que la divulgation de certaines informations classifiées pourrait nuire au Canada ou à ses alliés.

Dans le cadre des efforts fédéraux annoncés en mars 2023, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, connu sous le nom de NSICOP, a été chargé d’évaluer l’état de l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux, notamment les tentatives d’ingérence lors des deux dernières élections générales.

Le rapport du NSICOP a été récemment soumis aux ministres fédéraux. Une version déclassifiée du rapport doit être déposée au Parlement.

L’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, un organisme d’examen externe et indépendant, a également fourni au gouvernement un rapport classifié au début du mois sur la diffusion de renseignements sur l’ingérence politique étrangère.

L’organisme de surveillance a déclaré lundi qu’il estime qu’il est « dans l’intérêt public de faire rapport sur cette affaire » et qu’il enverra donc une version modifiée du document au premier ministre, qui sera ensuite déposé au Parlement.

L’organisme a souligné qu’il était en train de consulter le gouvernement pour s’assurer que le rapport ne contienne pas d’informations préjudiciables ou privilégiées. « (L’OSSNR) espère que ce processus sera conclu en temps opportun. »