(Ottawa) Le gouvernement fédéral conteste une décision de justice lui ordonnant d’accélérer le rythme des nominations de juges pour répondre à un nombre « intenable » de postes vacants.

Dans un avis d’appel, le gouvernement affirme que la Cour fédérale a outrepassé son rôle constitutionnel et n’a pas compétence pour se pencher sur la question.

Dans une décision rendue en février, le juge Henry Brown de la Cour fédérale a déclaré que les conventions constitutionnelles exigent qu’Ottawa nomme un nouveau juge dans un délai raisonnable après une vacance.

Le gouvernement demande à la Cour d’appel fédérale d’annuler le jugement et de rejeter la demande sous-jacente déposée par Yavar Hameed, un avocat d’Ottawa.

Dans sa demande, Me Hameed a affirmé avoir subi des retards importants dans les procédures contentieuses devant les tribunaux au nom de clients vulnérables.

Parmi les documents déposés dans l’affaire figurait une lettre de mai 2023 adressée au premier ministre Justin Trudeau par le Conseil canadien de la magistrature et le juge en chef Richard Wagner. La lettre exprimait une « profonde inquiétude » concernant les 85 postes judiciaires vacants dans les cours supérieures et fédérales.

« Il convient de noter que les difficultés engendrées par la pénurie de juges exacerbent une situation déjà critique au sein de plusieurs tribunaux, soit un manque sérieux de ressources dû au sous-financement chronique des provinces et des territoires », indique la lettre.

« Cependant, si plusieurs facteurs expliquent la crise que connaît actuellement notre système judiciaire, la nomination des juges à terme est une solution à notre portée qui pourrait contribuer à améliorer rapidement et efficacement la situation. »

Un nombre « inacceptable », selon la juge

Dans sa décision de février, le juge Brown a estimé que le nombre « important et inacceptable » de postes vacants restait essentiellement inchangé, suggérant que le premier ministre et le ministre de la Justice « font simplement du surplace ».

« Ils n’ont pas pris les mesures demandées par le juge en chef du Canada et le Conseil canadien de la magistrature. Et avec le plus grand respect, ils ont également laissé tomber tous ceux qui comptent sur eux pour exercer en temps opportun leurs pouvoirs en vue de pourvoir ces postes vacants. »

M. Brown a affirmé qu’il « reconnaît et déclare » la convention constitutionnelle selon laquelle les postes vacants dans les cours supérieures provinciales et les cours fédérales « doivent être comblés dans un délai raisonnable ».

Le juge a également exprimé son espoir que la « crise intenable et épouvantable » soit résolue par des mesures visant à réduire de moitié le nombre total de postes vacants de juge, pour atteindre le même nombre qu’au printemps 2016.

L’avis d’appel du gouvernement affirme que le juge Brown a commis une erreur en invoquant une convention constitutionnelle qui n’existe pas.

L’avis indique également que le tribunal aurait substitué son propre point de vue sur l’opportunité des nominations judiciaires fédérales à celui du pouvoir exécutif.

En outre, le gouvernement soutient que le tribunal a eu tort de considérer la lettre du conseil judiciaire et du juge en chef comme une « preuve d’expert ».

Il conteste également le fait que le juge ait interprété l’absence de réponse fédérale à la lettre « comme une décision pouvant faire l’objet d’un examen qui justifierait une intervention » de la part du tribunal.

Le gouvernement affirme également que le tribunal s’est appuyé sur « des faits et des ouï-dire contenus dans la lettre ».

Le ministre de la Justice, Arif Virani, en poste depuis juillet dernier, a déclaré le mois dernier qu’il s’était donné pour mission personnelle, en tant que ministre, de résoudre l’enjeu des nominations.

Me Hameed aura l’occasion de présenter ses propres arguments au tribunal au fur et à mesure de l’évolution de l’affaire.