(Ottawa) Des agents de la GRC qui sont intervenus lors du blocage de Coutts, en Alberta, n’ont été mis au courant des menaces proférées contre la police qu’à la fin de cet épisode, révèle un rapport interne.

Le rapport décrit les « efforts chaotiques » pour mobiliser des agents à Ottawa lors des manifestations antigouvernementales de février 2022, le manque d’équipements adéquats, l’entraînement insuffisant et de la mauvaise coordination dans la collecte de renseignements.

Il indique que certains membres du personnel de la GRC ont dû travailler pendant de longues heures et même dû dormir au bureau.

De plus, il juge que les demandes du gouvernement fédéral d’être informé chaque heure des évènements ont empêché les services de renseignement de collecter des informations les plus à jour.

La Presse Canadienne a obtenu ce document de 92 pages par l’entremise de la Loi d’accès à l’information.

Le rapport comprend aussi les résultats d’un sondage mené auprès du personnel de la GRC déployé pour réagir aux manifestants qui ont paralysé la capitale nationale et des postes frontaliers pendant de nombreuses semaines.

À Coutts, la GRC a découvert des armes à feu, des munitions et des gilets pare-balles dans des remorques. Elle a aussi enquêté sur un prétendu complot visant à tuer des agents du corps policier fédéral.

Le rapport souligne que le sondage avait permis d’apprendre que certains agents présents à Coutts « n’étaient pas au courant des menaces contre eux avant la fin du blocage ». D’autres l’ont appris par les médias.

PHOTO JEFF MCINTOSH, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Des manifestants bloquant l’accès au principal poste frontalier de l’Alberta à Coutts

« Cela soulève des inquiétudes concernant la sûreté des agents déployés en première ligne. C’est une question qui doit être abordée par notre organisation, peut-on lire dans le rapport. Il est impératif que tous nos agents en première ligne reçoivent des renseignements, notamment sur de possibles menaces, avant d’être déployés. »

Autre problème souligné par ceux qui ont participé au sondage : il a été difficile de mobiliser un nombre suffisant d’agents de la GRC pour aider la police d’Ottawa parce que ce déploiement n’était pas obligatoire.

Des courriels ont été transmis aux employés de la direction nationale leur demandant s’ils souhaitaient être déployés pour aider le Service de police d’Ottawa, indique l’auteur du rapport.

Comme les manifestations se sont déroulées pendant le pic de la pandémie de la COVID-19, un nombre limité d’agents pouvaient être mobilisés, car plusieurs étaient absents en raison de la maladie.

De plus, il a été difficile de rassembler « un nombre adéquat de véhicules de police et d’équipements » parce qu’en règle générale, les agents de la GRC déployés au quartier général ne sont pas équipés comme ceux œuvrant dans les détachements réguliers. Ils ne font pas du travail de première ligne.

Des agents ont aussi exprimé le souhait d’être mieux équipés contre le froid.

D’autres ont reconnu avoir eu des difficultés à accéder à un système de communication fiable. On manquait de radio, de piles et même d’étuis. Ils ont évoqué la nécessité d’être mieux équipé en ordinateurs et en logiciels, avec un accès à l’internet, pour la collecte de renseignements.

Les auteurs du rapport ont aussi fait état que les installations de la GRC pour l’entraînement étaient inutilisables « à cause de la mauvaise qualité de l’air qui a provoqué chez les agents des maux de gorge, une congestion des sinus et de la toux ».

La mauvaise qualité de l’air a même contraint le corps policier à annuler cinq cours de recertification à la fin de 2022 et au début de 2023. Résultat : un nombre important d’agents dont la certification est échue. « Si la situation actuelle n’est pas réglée, la GRC sera incapable d’aider ses partenaires policiers dans la région de la capitale nationale », met en garde le rapport.

Environ 40 % des répondants ne sont pas d’accord avec l’idée que la direction de la GRC avait bien communiqué avec l’ensemble de son personnel tout au long des manifestations.

Dans une déclaration, la GRC souligne que l’examen avait été mené dans l’intention de tirer les meilleures leçons des évènements pour être mieux préparée à l’avenir.

Le corps policier étudie plusieurs recommandations formulées dans le rapport, dont certaines ont déjà été mises en vigueur. Elles correspondaient à celles exprimées par la Commission sur l’état d’urgence qui a étudié les manifestations de 2022 et la Commissiondes pertes massives qui a examiné la tuerie de 2020 en Nouvelle-Écosse.

Pour soutenir ces changements, la GRC a créé en mai 2023 un nouveau secteur : Réforme, responsabilisation et culture.

Eric Slinn, un ancien cadre supérieur de la GRC, est l’un des auteurs du rapport. Il a écrit que la GRC devait continuer à évoluer et à s’adapter en mettant en place des méthodes d’intervention normalisées, transparentes et interopérationnelles si elle veut être efficace pour protéger les Canadiens et garder leur confiance.

« Mettre en œuvre ces transformations importantes ne peut dépendre seulement de la volonté des dirigeants de la GRC. Elles doivent être accompagnées par des changements législatifs appropriés et un plus important investissement du gouvernement. »