(Ottawa) Tous les contrats accordés par le gouvernement fédéral à Dalian Enterprises inc. et qui sont toujours en vigueur seront suspendus. Le président et fondateur de la firme, David Yeo, était à la fois un consultant privé et un fonctionnaire pour le ministère de la Défense nationale. M. Yeo, qui détient des comptes dans des paradis fiscaux, a été suspendu mercredi, comme l’a rapporté La Presse. Le contrôleur général doit par ailleurs examiner de près tous les autres contrats « suspects » comme ceux de GC Strategies.

« À mon avis, ce n’est pas normal et ce n’est pas correct, a réagi la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand. On doit avoir des lignes entre le revenu personnel et le travail pour le gouvernement du Canada. »

La valeur des contrats obtenus par Dalian depuis 2008 totalise 149,5 millions, dont plus de 3 millions pour les contrats accordés par la Défense nationale, selon les données tirées des comptes publics. Le Ministère n’a pas précisé si M. Yeo avait été suspendu avec ou sans solde le temps qu’une enquête interne soit réalisée.

Mme Anand, également ex-ministre de la Défense nationale, a affirmé qu’elle n’était « définitivement pas au courant » qu’un des contractants au cœur du fiasco financier d’ArriveCAN était aussi fonctionnaire dans son ancien ministère. Il recevait donc une double rémunération du gouvernement comme employé et comme contractuel. En vertu du Code de valeurs et d’éthique du secteur public, les fonctionnaires fédéraux doivent prendre « toutes les mesures possibles pour prévenir et résoudre, dans l’intérêt public, tout conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre leurs responsabilités officielles et leurs affaires personnelles ».

Le contrôleur général a été mandaté par Mme Anand pour mener un examen minutieux de tous les contrats « suspects » accordés non seulement à Dalian, mais également à d’autres entreprises comme GC Strategies. Les deux firmes sont celles qui ont obtenu les plus gros contrats pour le développement de l’application ArriveCAN. Après GC Strategies qui en a reçu pour 19 millions, Dalian en a eu pour 8 millions, selon un rapport dévastateur de la vérificatrice générale.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

Anita Anand, présidente du Conseil du Trésor et ex-ministre de la Défense nationale

Congédiement et enquête indépendante réclamés

« Cet individu devrait être immédiatement congédié, une enquête policière immédiate devrait être menée sur sa conduite et celle de l’entreprise à laquelle il est associé, ainsi qu’une enquête plus large au sein de la fonction publique sur la manière dont ces contrats ont été autorisés depuis si longtemps », a réagi le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre.

« C’est extrêmement louche, a observé le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice. Est-ce que c’est éthique ? Est-ce que c’est légal ? Est-ce que c’est une pratique courante ? Pour nous, c’est extrêmement bizarre et ce n’est pas quelque chose qu’on veut encourager. »

« Je regarde les derniers jours et je réalise jusqu’à quel point il y a des choses qu’on ne sait pas dans le dossier qu’on appelle encore ArriveCAN, mais qui va bien au-delà d’ArriveCAN », a constaté le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet.

« Ça prend vraiment une enquête indépendante pour aller au bout de ça », a-t-il ajouté. Il estime que cette enquête indépendante doit remonter jusqu’aux années où les conservateurs de Stephen Harper étaient au pouvoir.

La Presse a révélé mardi que David Yeo avait ouvert deux sociétés dans des paradis fiscaux depuis 2011. Un geste qui n’a rien d’illégal en soi, mais qui devrait servir de « drapeau rouge », selon le chef de la direction de la firme d’enquêtes privée Vidocq, Jonathan Légaré.

L’entreprise est en train de se départir d’une partie de ses bureaux au centre-ville d’Ottawa. Elle partage un bureau commercial de deux étages avec Coradix Technology Consulting. Le président de cette société avait affirmé en comité parlementaire l’automne dernier que 99 % des contrats de Dalian provenaient du gouvernement fédéral depuis 2007. Les deux firmes forment une coentreprise pour obtenir des contrats accordés aux entrepreneurs autochtones.

Avec la collaboration de Vincent Larouche et de William Leclerc, La Presse