À 40 ans, Mouna et son mari, Seïf, ont mis leur projet de bébé sur pause parce qu’ils ne veulent pas « le faire à distance ».

Mouna enseigne à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke. Seïf est ingénieur à Paris.

Ils se sont connus en 2019, en Tunisie, leur pays d’origine, par l’intermédiaire d’amis. Mouna vit au Québec depuis 17 ans. Elle a obtenu la résidence permanente il y a 15 ans, puis la citoyenneté canadienne.

« On a essayé un petit peu d’avoir cette relation à distance. Ce n’était pas très évident vu la distance, explique-t-elle. Mais je faisais tout le temps en sorte d’aller le voir à Paris, ou on se voyait en Tunisie. »

PHOTO FOURNIE PAR MOUNA

Mouna et son mari Seïf

Au bout d’un certain temps, Seïf a demandé un permis d’études pour suivre un programme en gestion de projets à l’Université de Montréal (UdeM), pour venir au Québec. Il a été admis par l’UdeM et a reçu son CAQ (certificat d’acceptation du Québec), mais le fédéral l’a bloqué. Pourquoi ? « Ils ont dit qu’il n’a pas démontré que c’est un projet qu’il va mener à bout. Ils croyaient que c’était un moyen déguisé, qu’il n’allait pas mener ses études », détaille Mouna.

L’année suivante, Seïf a retenté sa chance. Même échec. « Admission acceptée, CAQ accordé et refus du fédéral. »

« À un certain moment, on s’est dit : qu’est-ce qu’il faut faire ? On a vraiment envie d’être ensemble, enchaîne-t-elle. Est-ce que, moi, je viens à Paris ? Est-ce qu’on se retrouve en Tunisie ? Moi, j’ai dit non, Paris, je ne veux pas. C’est toi qui viens au Québec, on est tranquille, c’est beau, la qualité de vie est bonne, et j’ai un bon poste à l’Université de Sherbrooke. Lui était plus flexible. Il voulait venir ici. »

« À un certain moment, on n’y croit plus »

Le couple s’est marié le 11 août 2022, en Tunisie, avant d’entamer la procédure de parrainage. Le dossier a été déposé à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) le 6 septembre. Les délais de traitement étaient alors de 12 mois.

« On a mené notre vie, et on s’est revus en décembre, raconte Mouna. On commençait à planifier un petit peu. On a obtenu la visite médicale, fait la biométrie. Puis, à la mi-février, on a eu le certificat de sélection du Québec. »

Le couple croyait toucher au but. Mais, en juin, la nouvelle est tombée : les délais sont passés à 24 mois pour le Québec. Puis, à 27 mois.

« C’est l’attente qui est dure, parce qu’on n’arrive pas à trop planifier », confie Mouna, qui a fêté ses 40 ans le 12 octobre.

À un certain moment, on n’y croit plus. Parce que je ne sais pas ce qui peut encore sortir. Est-ce qu’il y aura une règlementation en plus ? Je ne sais pas.

Mouna

En juin, le fédéral a adopté une série de mesures en immigration pour réunir les familles, notamment l’accélération des délais de traitement des demandes de visa de visiteur pour les conjoints en attente d’un parrainage. Seïf a déposé une demande, il y a quelques semaines.

« Pour l’anecdote », dit Mouna, au bureau de Paris, où son mari fait sa demande, les délais pour obtenir un visa de visiteur au Canada sont de 383 jours…

Vérifiez les délais de traitement

« On voulait être ensemble, même quelques mois. Il n’est jamais venu au Québec. C’est toujours intéressant de passer un peu plus de temps, essayer d’avoir un bébé, de profiter des moments, de vivre tout simplement. C’est rendu très compliqué pour être ensemble. »

Elle ajoute : « C’est la première fois de ma vie où une décision gouvernementale, politique, impacte mon quotidien et impacte ma réalité. Ça fait un an que je suis mariée, mais que je ne le réalise pas parce que c’est des petits flirts à droite et à gauche, d’un pays à l’autre. Ça nous prend toute une logistique pour se voir deux ou trois semaines. C’est toujours super momentané. Parfois, des gens me félicitent parce que je me suis mariée, mais je dis : amenez-moi mon mari ! Je ne le réalise pas encore. Pour le moment, c’est encore un concept. »