Un Lavallois de 47 ans qui a jeté aux ordures le nouveau-né de sa colocataire a été reconnu coupable sur toute la ligne mardi. Le juge n’a pas cru un mot du récit de l’accusé qui prétendait avoir simplement « nettoyé » la salle de bains à la suite d’une fausse couche.

« Les enfants sont les êtres les plus vulnérables de notre société », a rappelé le juge Serge Cimon au début de son jugement, mardi, au palais de justice de Laval.

L’homme de 47 ans – qu’on ne peut identifier – n’était pas accusé d’avoir tué d’enfant ni d’outrage à un cadavre. Il était plutôt visé par le rarissime chef de « suppression de part », qui implique d’avoir « fait disparaître le cadavre d’un enfant dans l’intention de cacher le fait que sa mère lui a donné naissance ». Ce procès hors norme s’était déroulé en octobre dernier.

Cacher la naissance, c’est exactement ce que l’homme a fait le 10 août 2020, selon le juge. Comble de l’horreur, le bébé était vivant au moment de l’accouchement. Il est né à environ 31 semaines. La cause du décès est indéterminée, mais pourrait résulter du manque de soins à la naissance, selon une experte.

L’accusé partageait son appartement avec son ex-conjointe sur le boulevard du Souvenir, dans Laval-des-Rapides. Ils étaient restés colocataires pour élever leurs deux enfants. La femme consommait de l’alcool et de la drogue. Le jour fatidique, elle a accouché dans les toilettes. Personne n’a appelé les secours pour traiter la femme et l’enfant.

À la place, l’homme a mis le bébé dans un sac à ordures, qu’il a rempli de serviettes souillées. Il a ensuite inséré le sac dans une boîte à litière pour chat. Et vers 7 h du matin, il s’est rendu incognito à la benne à ordures de l’immeuble pour déposer la boîte dans le coin arrière. Des citoyens ont toutefois découvert le corps.

Cette manière de se débarrasser de l’enfant permet au juge de conclure que l’homme voulait cacher le fait que la mère avait accouché. De plus, même si la mère avait mal au ventre après l’accouchement, l’homme n’a pas appelé les secours. Il a même conservé sa routine, puis est allé travailler comme « si de rien n’était ».

Pourtant, l’homme prétendait être dans un état de « fatigue extrême » à ce moment-là et avoir donc agi machinalement. Il disait avoir été réveillé par les cris de la femme se plaignant de maux de ventre. Dans un récit très peu crédible, l’homme prétendait même ne pas savoir qu’un bébé se trouvait dans la cuvette au moment d’y mettre sa main.

« J’ai pogné quelque chose de dur. […] Quand je l’ai levé, je suis resté frette pareil. J’ai mal réagi. Il ne bougeait pas, je l’ai mis dans la boîte. Je l’ai mis dans le sac, je l’ai fermé. J’ai enroulé le sac », a-t-il raconté. À ses yeux, l’enfant était mort et il s’agissait d’une fausse couche.

Or, l’accusé savait « pertinemment à quoi ressemble un bébé prématuré puisque son fils est né à 28 semaines », a affirmé le juge. Le bébé mesurait 15 pouces et pesait 3 livres.

Le juge Cimon a ainsi relevé une vingtaine de contradictions dans le récit de l’homme, qui n’a cessé de se contredire pendant le contre-interrogatoire mené par la procureure de la Couronne MClaudia Ossio.

Pourquoi l’homme a-t-il agi ainsi ? La preuve ne le dit pas. L’avocat de la défense, MMoulay-Badre Aber, avait d’ailleurs fait valoir au procès que l’accusé n’avait rien eu à gagner à agir ainsi puisqu’il n’était pas le père de l’enfant. Le lien de filiation entre l’accusé et le bébé n’avait toutefois aucune importance, selon le juge.

Les observations sur la peine auront lieu dans les prochaines semaines. La peine maximale est de deux ans de prison.

La mère est toujours en attente de procès. Elle fait face aux chefs d’accusation de « suppression de part » et de « négligence à se procurer de l’aide lors de la naissance d’un enfant ». Ce chef d’accusation – rarement vu – vise une femme qui a « négligé de prendre des dispositions en vue d’une aide raisonnable pour son accouchement, causant, par là, la mort de l’enfant ».