Les policiers de Montréal remettent nettement moins de contraventions aux automobilistes enfreignant le Code de la sécurité routière depuis 2019.

Selon des chiffres contenus dans les rapports annuels du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), le nombre de constats remis pour des infractions liées à des véhicules en mouvement et pour des excès de vitesse est passé de 420 400 en 2018 à 301 400 l’année suivante, une baisse de 28 %.

De 2014 à 2018, les policiers montréalais avaient remis en moyenne 408 000 contraventions de circulation.

En 2020, au plus fort de la pandémie, le nombre de constats remis par les policiers pour ces deux types d’infractions a atteint un plancher de 219 700 avant de remonter à 271 700 l’an dernier. Les chiffres de 2022 n’ont pas encore été publiés.

80 experts évaporés

Selon des sources policières, la diminution sensible observée entre 2018 et 2019 pourrait notamment s’expliquer par la dissolution en mars 2019 de quatre escouades de la circulation dans les régions Est, Ouest, Nord et Sud du SPVM.

Ces escouades étaient composées d’environ 80 policiers spécialisés au total, et affectés exclusivement au respect du Code de la sécurité routière.

Selon nos informations, chaque agent distribuait environ 18 constats d’infraction quotidiennement.

Mais en mars 2019, ces policiers ont été répartis dans les postes de quartier et sont devenus des agents de quartier en sécurité routière.

Toutefois, selon nos sources, en 2022, le nombre de ces policiers affectés exclusivement à la sécurité routière ne serait en rien comparable avec la situation qui prévalait lorsque les escouades circulation existaient dans les quatre régions du SPVM.

D’après nos informations, les agents de quartier en sécurité routière des postes de quartier, qui peuvent parfois être affectés à d’autres tâches, remettraient actuellement, en moyenne, six à huit constats par jour.

« Il faut des ressources et on n’en a pas »

« La disparition des escouades circulation dans les quatre régions a été une grave erreur. Nous avions auparavant des sergents spécialisés qui dirigeaient des policiers dont la quasi-totalité du travail consistait à remettre des constats », nous a confié une source policière sous le couvert de l’anonymat parce qu’elle n’est pas autorisée à parler aux médias.

« Ces policiers donnaient de 15 à 20 constats par jour et maintenant, dans les postes, ce n’est plus pareil. Dans notre secteur, le nombre de contraventions [pour des infractions liées] au Code de la sécurité routière a baissé. Alors qu’on se faisait rencontrer par nos patrons avant pour une baisse des billets, aujourd’hui ils ne surveillent plus ça. Pourtant, la peur du ticket modifie la conduite des automobilistes », a renchéri un autre policier.

La dissolution des escouades circulation était une bonne idée, mais à la condition qu’on ait assez d’effectifs, et ce n’est malheureusement pas le cas.

Troisième source policière

Selon cette troisième source policière, décentraliser les agents en circulation et les rapatrier dans les postes de quartier était une bonne idée, car ces policiers spécialisés auraient apprivoisé leur quartier, identifié les endroits sensibles tels les écoles et les parcs et priorisé les secteurs accidentogènes et les artères où les automobilistes ont tendance à être plus délinquants.

« Mais pour être efficace, il faut des ressources et on n’en a pas. De plus, le nombre de chantiers à Montréal fait que les agents de circulation sont affectés aux feux de signalisation durant des heures et des jours. Pendant ce temps, ils ne donnent pas de constats pour des infractions au Code de la sécurité routière », a-t-elle ajouté.

Mieux servir la population

En entrevue à La Presse, le commandant du SPVM Stéphane Desroches de la sécurité routière a confirmé qu’un choix organisationnel avait été fait en 2019 pour mieux servir la population.

« On a vraiment voulu cibler les problématiques de quartier et des arrondissements, cibler la qualité des interventions et non pas la quantité des constats, alors c’est sûr que ça entraîne une baisse des constats distribués », a expliqué M. Desroches.

Il ajoute qu’il est censé y avoir 88 agents de quartier en sécurité routière, mais admet qu’actuellement, ce chiffre n’est pas atteint.

L’organisation compose avec un taux d’absentéisme qui est significatif en ce moment, ça, on ne peut pas se le cacher.

Stéphane Desroches, commandant du SPVM

Selon le commandant Desroches, il y a en moyenne chaque année à Montréal 25 collisions mortelles impliquant un véhicule moteur, toutes victimes confondues : piétons, cyclistes, motocyclistes, automobilistes ou autres.

Cette année, nous en sommes à 27 collisions mortelles et 28 victimes. Il explique la recrudescence de la fin de novembre et du début de décembre par la nuit qui tombe tôt, la pluie et l’absence de neige qui nuisent à la visibilité.

Lundi, avant la mort de la fillette, une opération vigie impliquant les motards avait été adoptée pour veiller à la sécurité des piétons le soir.

Mardi, après le drame, le SPVM a décidé de faire appel à des cadets pour surveiller un chantier sur la rue Sherbrooke qui est situé près de deux écoles dans l’arrondissement de Ville-Marie.

Des sources ont par ailleurs confié à La Presse que régulièrement, ce sont des parents qui conduisent leur enfant à l’école qui reçoivent un constat pour une infraction au Code de la sécurité routière dans une zone scolaire.

Le président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, Yves Francœur, n’a pas voulu commenter la situation pour le moment.

Avec la collaboration d’Émilie Bilodeau, La Presse

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