Le plus iconique des restaurants du Plateau Mont-Royal se cherche une nouvelle piste d’atterrissage, ces jours-ci, alors qu’il devra bientôt céder son emplacement stratégique à un immeuble résidentiel.

Le diner d’inox situé au coin des rues Saint-Denis et Gilford aura la chance d’échapper au pic des démolisseurs, puisqu’il est complètement démontable et transportable. Si tout va comme prévu, son déménagement aura lieu 72 ans après sa fabrication aux États-Unis et 32 ans après son arrivée à Montréal.

Il accueillait un restaurant de la petite enseigne Pizzaiolle jusqu’à la pandémie. Depuis, les graffiteurs l’ont pris d’assaut.

« On cherche un emplacement pour lui donner une nouvelle vie. On est ouverts aux suggestions, aux propositions pour faire un projet », a affirmé cette semaine Charles Duchesne, patron de la firme de développement immobilier Residia, en entrevue avec La Presse.

La démolition était hors de question. […] Il aura une nouvelle vie.

Charles Duchesne, patron de la firme de développement immobilier Residia

Le temps presse : M. Duchesne vient d’obtenir le feu vert de l’arrondissement pour construire et espère pouvoir déplacer le diner dès le printemps.

« Un coup de foudre »

En 2022, M. Duchesne et son équipe ont acheté le terrain pour le mettre en valeur. Ils ont hérité du même coup de cette structure inusitée, importée des États-Unis par un restaurateur ambitieux.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Le bâtiment complètement démontable vieux de 72 ans a été installé à son endroit actuel et complètement restauré en 1992.

« On avait trouvé l’épave en deux parties, abandonnée depuis plusieurs années, en banlieue de Boston », s’est rappelé Daniel Noiseux, l’homme d’affaires en question, au bout du fil. « J’ai eu l’idée de la ramener à Montréal et d’en faire la rénovation complète. »

En 1992, M. Noiseux a investi temps et argent pour refaire le restaurant à l’identique, avec l’aide d’experts, d’architectes et d’artisans. « C’était la passion qui a parlé plus que la raison », a-t-il admis. Résultat : « une pièce presque muséale ».

Son atterrissage sur le Plateau n’avait toutefois pas plu à tous : l’organisme Sauvons Montréal avait durement critiqué le manque de cohésion avec le quartier.

D’abord exploité comme un authentique casse-croûte routier américain sous le nom de Galaxie, le restaurant est devenu une pizzéria en 1998. Les lieux ont été redécorés à cette occasion, mais M. Noiseux est toujours extrêmement attaché à son diner. Après la fermeture de la Pizzaiolle au pire de la pandémie, il a lui-même tenté de vendre la structure, mais aucune transaction n’a abouti. Le climat est maintenant plus favorable aux projets de restauration, a-t-il assuré, confiant.

« Curieusement, il y a toujours un engouement depuis quelques jours », mais « ça prend quelqu’un de qualifié qui comprend ce dans quoi il s’embarque », a dit Daniel Noiseux.

« Un beau défi »

Comme de nombreux Montréalais, Charles Duchesne, de Residia, a lui-même des souvenirs associés à cette curieuse boîte métallique posée sur le bord de la rue Saint-Denis. « Plus jeune, avec ma famille, je me souviens d’avoir eu des soupers là-bas, s’est-il remémoré. C’est iconique. »

Le promoteur immobilier se dit ouvert à toutes les possibilités pour lui donner une nouvelle vie. Le diner pourrait quitter Montréal ou y rester, demeurer un restaurant ou changer de vocation. « On le voit comme un beau défi, de lui trouver une nouvelle vocation », a dit M. Duchesne. Il n’entend pas faire d’argent avec ce déplacement, au contraire : « on est prêts à prendre en charge le projet ».

Son déplacement sera facilité par le travail de documentation effectué lors de son déménagement du Massachusetts au Québec, coordonné par Daniel Noiseux. La structure, fabriquée en série dans les années 1950, est composée de deux modules métalliques.

Le souvenir du diner ne quittera toutefois pas les lieux. Le nouveau projet immobilier est baptisé le Galaxie, en hommage au premier nom du restaurant à son arrivée à Montréal.