Deux grands projets immobiliers presque antinomiques pourraient bientôt changer le visage du Quartier latin, alors que la dévitalisation de cette zone de Montréal continue à inquiéter ses résidants et ses commerçants.

Ce qu’il faut savoir

Valérie Plante a annoncé vendredi qu’elle souhaitait voir un projet de 700 logements remplacer l’ancienne gare d’autocars Berri.

À quelques dizaines de mètres, Hydro-Québec envisage d’installer un poste électrique, juste au nord de la Grande Bibliothèque.

Ces deux projets atterriront dans un Quartier latin en crise, frappé par l’itinérance et la toxicomanie.

La Ville de Montréal a annoncé vendredi qu’elle voulait voir un complexe de 700 appartements remplacer l’ancienne gare d’autocars. Juste de l’autre côté de la rue Berri, Hydro-Québec souhaite ériger un poste électrique en plein cœur du quartier, soulevant d’importantes critiques.

« Oui, il y a en a des vulnérabilités dans le quartier », a affirmé Valérie Plante, vendredi, en annonçant que son administration voulait recevoir des propositions de promoteurs immobiliers pour le sud de l’îlot Voyageur, qui accueille maintenant un bâtiment en décrépitude. Il appartient à la Ville de Montréal depuis 2018. « Les besoins dans le secteur sont criants, on en est extrêmement conscients. »

Les intéressés devront déposer leur vision du développement, particulièrement le nombre de logements abordables et sociaux qu’ils comptent y inclure. En contrepartie, le prix de vente pourrait représenter « une fraction » de sa valeur marchande.

« Notre vision est très claire : un maximum de logements sociaux et abordables », a dit la mairesse. Elle a dit espérer voir sortir de terre « plus de 700 unités » et un rez-de-chaussée commercial avec un début de chantier « dès l’été 2025 ».

Importants délais

Cette étape, « je sais qu’on l’attendait avec beaucoup d’impatience et nous aussi », a reconnu Valérie Plante. Son responsable de l’habitation, Benoit Dorais, a expliqué que la Ville avait notamment dû revoir son plan de développement après la pandémie en raison de la baisse d’intérêt pour les espaces de bureau. Les prochaines étapes devraient aller plus vite, a indiqué la mairesse.

Les bâtiments actuels seront démolis. Après avoir évoqué une hauteur semblable à la Place Dupuis, qui compte 91 mètres et 23 étages, l’administration Plante a indiqué que le zonage permettait plutôt une construction de 65 mètres à cet emplacement.

Dans sa première prise de parole publique depuis sa nomination, la nouvelle vice-rectrice au Quartier latin de l’UQAM a appuyé le projet. « Je pense que ça va tout à fait dans la mouvance des priorités pour le quartier, a dit Priscilla Ananian. Je suis enthousiaste. »

A contrario, l’opposition officielle à l’hôtel de ville a exprimé sa déception. « On est très déçus de ce qui a été présenté ce matin », a commenté le porte-parole de l’opposition en matière d’habitation, Julien Hénault-Ratelle. « Ça fait six ans que la Ville a acquis le terrain et tout ce qu’on se fait présenter ce matin, c’est une absence de vision. »

Un poste électrique comme voisin

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Hydro-Québec veut utiliser un terrain gazonné en plein milieu du Quartier latin, au nord de la grande bibliothèque, au coin des rues Ontario et Berri, pour y construire un poste de transformation électrique.

Il est probable que personne ne pourra habiter ni s’amuser de l’autre côté de la rue Berri, sur un terrain vacant actuellement gazonné juste au nord de la Grande bibliothèque. C’est qu’Hydro-Québec veut acheter les lieux de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) afin d’y installer un poste de transformation électrique de 315 000 volts. L’installation remplacerait le poste de la côte Berri, qui frappe par son architecture brutaliste.

« On n’a vraiment pas beaucoup d’options », a expliqué Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d’Hydro-Québec, qui explique qu’un nouveau poste était nécessaire dans ce secteur.

Le poste, on ne peut pas le construire trop loin du lieu qu’il dessert. Il doit se retrouver dans un périmètre qui est assez limité, et ce périmètre-là est déjà très dense.

Maxence Huard-Lefebvre, porte-parole d’Hydro-Québec

M. Huard-Lefebvre a assuré que la société d’État se montrerait très flexible sur la conception de ces installations, ainsi que sur la possibilité de consacrer une partie du budget à un projet compensatoire. « On est bien conscients qu’actuellement, c’est un espace qui fait office de parc, où il y a un jardin », a-t-il dit. « Ce n’est pas de gaieté de cœur qu’Hydro-Québec souhaite faire un projet dans un endroit comme ça. » Car un poste de transformation est une installation technique qui ne peut pas être associée à une autre utilisation.

Plante demande de la « qualité architecturale »

L’idée d’installer un bâtiment technique à cet endroit s’est attiré les foudres de la mère de la Grande Bibliothèque, Lise Bissonnette. « Je comprends la transition énergétique, mais c’est cruel », a-t-elle affirmé au Journal de Montréal. « On est au cœur de la culture, on est à côté de l’UQAM, on est dans l’ancien Quartier latin… Et on décide que sur un terrain aussi précieux, aussi extraordinairement situé, on va faire tout simplement [un poste électrique technique]. »

Vendredi, la mairesse de Montréal n’a pas exprimé d’opposition fondamentale au projet, mais elle a souligné qu’il devait être exemplaire s’il se concrétisait.

« Il va falloir garantir des espaces verts », a dit Valérie Plante, rapportant des demandes déjà transmises à Hydro-Québec. Il faudrait aussi que la société d’État « réfléchi[sse] à l’extérieur de la boîte au niveau de la qualité architecturale ».

Son responsable de l’urbanisme, Robert Beaudry, a souligné que ce projet viendra « répondre à un besoin en capacité électrique du secteur, ce qui est bon pour le développement ».