Les problèmes continuent de s’accumuler pour le projet d’usine d’ozonation des eaux usées de la Ville de Montréal, lancé il y a plus de 15 ans. La Presse a appris que l’inauguration des installations est de nouveau reportée, au moins jusqu’en 2026, voire en 2027.

Trois importants contrats techniques n’ont pas trouvé preneur dans les derniers mois, forçant la Ville à revoir sa stratégie – ainsi que son échéancier et son budget.

« La dernière phase, c’est de mettre tous les morceaux ensemble : l’assemblage mécanique, industriel qui doit être fait. Et ce que la Ville a réalisé lorsqu’elle est allée en appel d’offres, c’est qu’il n’y avait pas de preneur », a expliqué Maja Vodanovic, l’élue responsable de l’eau, en entrevue téléphonique. Sur trois contrats, « il y avait une [seule] soumission, et c’était un prix vraiment exagéré », a-t-elle continué.

« On avait annoncé 2025. Là, on retarde à 2026, peut-être même 2027 » pour la mise en marche, a continué Mme Vodanovic. Le budget va être révisé à la hausse au prochain plan décennal d’immobilisations, qui doit être rendu public le mois prochain.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Vue aérienne, en novembre 2022, du site de construction de l’usine d’ozonation des eaux usées sur le terrain de l’usine de traitement des eaux Jean-R.-Marcotte

L’usine d’ozonation de Montréal doit, à terme, pomper une quantité importante d’ozone dans les eaux usées de Montréal, juste avant leur rejet dans le fleuve, afin de les désinfecter. Une fois terminée, il s’agira de la plus importante installation du genre sur la planète. Elle sera située sur le terrain de l’usine de traitement des eaux Jean-R.-Marcotte, près de la pointe nord-est de l’île de Montréal.

Une décennie de retard

La Ville de Montréal a décidé en 2008 de se doter d’une usine d’ozonation, qui devait à l’époque coûter 200 millions et être construite en cinq ans. Quinze ans plus tard, la facture a plus que triplé et l’installation n’est toujours pas ouverte. Outre l’usine d’ozonation elle-même, le projet inclut une usine de production d’oxygène et un nouveau poste électrique.

En 2018, un problème technique majeur a été détecté, paralysant le projet pendant des mois : les équipes craignaient la possibilité qu’une vague énorme et dangereuse puisse se créer dans les conduits d’eau après l’ozonation.

Cette fois, c’est l’attribution des contrats qui pose problème. La seule soumission reçue, sur l’un des trois appels d’offres annulés, s’élevait à 160 millions. Beaucoup trop au goût de Montréal.

Les fonctionnaires tentent maintenant de comprendre les motifs pour lesquels les entreprises ont levé le nez sur ces mandats.

Il y a une discussion qui s’engage sur les clauses du contrat qui ont fait en sorte que les entreprises n’ont pas voulu soumissionner.

Maja Vodanovic, élue responsable de l’eau à la Ville de Montréal

« La Ville a appris beaucoup de choses », a continué Mme Vodanovic, citant notamment une clause forçant le gagnant du contrat à fournir une génératrice spécialisée plus tôt que ne le permettent les délais de livraison actuels.

L’élue souligne que la Ville de Montréal est condamnée au succès : la désinfection des eaux usées est une obligation légale imposée par le gouvernement provincial.

« Explosion des coûts »

Les problèmes de contrat ne sont pas les seuls à affecter le projet d’usine d’ozonation.

Au dernier conseil municipal, les élus montréalais ont dû voter une augmentation de 8 millions d’un important contrat de construction accordé à Pomerleau, qui a fait face à des « imprévus importants » en cours de route.

En excavant le sol pour bâtir de nouveaux conduits d’évacuation, l’entrepreneur est tombé sur des « vestiges » de béton des années 1980, nullement indiqués sur les plans, compliquant sa tâche. De plus, il y a eu « dispersion de mousses biologiques provenant des eaux usées sur le site ayant mené à un refus [de travail] des travailleurs » et « émanation de gaz des sols ayant mené à un refus [de travail] des travailleurs », entraînant des ajustements coûteux, indique la Ville de Montréal dans la documentation remise aux élus. D’autres problèmes sont aussi signalés.

Un délai dans l’autorisation des coûts supplémentaires serait problématique, selon les fonctionnaires : « les coûts associés à cela seraient énormes et les conséquences pour le projet, très importantes », ont-ils écrit.

« L’usine d’ozonation, comme plusieurs autres grands projets sous cette administration, a connu une explosion des coûts », a déploré l’élue de l’opposition Vana Nazarian, au conseil municipal. « Cette hausse colossale illustre l’incapacité de cette administration à mener un projet à terme dans les temps et les budgets. […] J’essaie de comprendre comment un projet peut tant exploser dans ses coûts. »