La Société de transport de Montréal (STM) veut obtenir le droit de pouvoir réaliser des projets immobiliers avec des promoteurs autour des stations de métro, afin de générer plus de revenus. Sans ce privilège, juge l’opérateur, l’échéancier du prolongement de la ligne bleue prévu en 2029 pourrait même être touché.

« Pour une fois, moi qui suis toujours en train de demander du financement, là j’amène une solution qui est très concrète sur la table », lance sans détour le président de la société de transport, Éric Alan Caldwell, en entrevue avec La Presse.

Dans un rapport présenté mardi lors de la commission parlementaire sur le projet de loi 22 visant à remplacer la Loi sur l’expropriation, la STM estime que la loi « devrait être clarifiée pour permettre aux sociétés de transport de réaliser des activités de gestion et de développement immobilier à l’égard de [leurs] propriétés ».

Si Québec donnait suite à la demande, cela signifierait qu’une société de transport pourrait « s’unir à un promoteur immobilier » pour tout contrat de construction ou de réaménagement aux abords d’une station de métro, par exemple.

Cela se rapproche du modèle adopté par le Réseau express métropolitain (REM), qui permet à CDPQ Infra de capter une partie des revenus fonciers autour du train léger.

D’après la STM, l’incapacité à s’unir à des tiers privés est un obstacle de taille. « Il y a de nombreux cas où la STM doit négocier avec un propriétaire ou promoteur spécifique pour la réalisation de travaux. Une dérogation ministérielle a ainsi été nécessaire récemment pour la réalisation d’un projet de poste de ventilation mécanique et d’un édicule de station de métro à réaliser en plein centre-ville pour s’intégrer à un projet de construction de nouvelle tour », soutient-elle.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le président de la STM, Éric Alan Caldwell

« En France, avec le Grand Paris Express, c’est jusqu’à 600 mètres d’expropriation qu’ils peuvent faire, ce qui représente environ 8000 logements. Et en Colombie-Britannique, c’est 800 mètres. Ici, les expropriations ne se font encore que sur les seules fins de l’utilisation au sol, donc c’est difficile de planifier un ensemble cohérent pour aller chercher un maximum de développement », raisonne M. Caldwell.

Faire profiter la ligne bleue

À court terme, la STM affirme qu’elle bénéficierait grandement de ce privilège pour tirer plus de revenus du prolongement de la ligne bleue, ce prolongement de cinq stations vers l’est devant être livré en 2029.

Selon la société, le temps presse, car la conclusion d’une entente avec un promoteur sera « requise » d’ici la fin de l’automne 2023 pour déterminer les droits aériens, la conception et l’excavation de la station des Galeries d’Anjou. Le processus d’expropriation de cette station fait déjà l’objet d’un partenariat préliminaire entre la STM et Ivanhoé Cambridge, qui est propriétaire de l’établissement commercial.

Dans son rapport, la STM affirme clairement que « si la loi n’est pas modifiée d’ici l’automne, il sera impossible de réaliser le développement conjoint » à la station d’Anjou « sans [modifier] l’échéancier du prolongement de la ligne bleue ».

« On a besoin de cet assouplissement-là, sinon on risque de passer à côté d’une opportunité ou de retarder le projet du prolongement. C’est la même chose pour l’intersection Pie-IX/Jean-Talon, où on est propriétaires du centre commercial Le Boulevard. Il y a possibilité de tirer des revenus des opérations qu’on ferait sur ces propriétés-là », illustre le président Caldwell.

Il estime que tout cela s’ajouterait aux « redevances transport » déjà prévues dans le projet du prolongement. Dès 2021, un comité mandaté par Québec pour réduire les coûts du prolongement de la ligne bleue avait proposé d’imposer des redevances aux promoteurs immobiliers pour récupérer une partie des taxes foncières additionnelles, soit des revenus d’environ 300 millions.

Lisez le texte « Prolongement de la ligne bleue : un coup de ciseaux de 1,2 milliard »

En modifiant la Loi sur les sociétés de transport en commun, Québec ouvrirait plus globalement « la voie pour générer des revenus par le biais du développement immobilier dans le cadre d’autres projets de maintien d’actifs de la STM ainsi que d’autres projets de transport collectif », fait-on aussi valoir.

Exproprier plus vite, pour moins

Dans son rapport, la STM dit par ailleurs trouver « étrange » que les sociétés de transport doivent obtenir une autorisation du gouvernement pour exproprier, alors que les villes, les communautés métropolitaines ou encore les centres de services scolaires sont exemptés de cette obligation.

« Ça tombe sous le sens de nous retirer une couche de complexité si on veut des projets plus efficaces », glisse à ce sujet M. Caldwell, qui dit avoir espoir « d’avoir une bonne écoute » de Québec sur cette demande.

Ultimement, « la nécessité d’obtenir une autorisation du gouvernement vient ajouter des délais dans les processus d’expropriation, ce qui se traduit par des coûts additionnels et peut toucher l’échéancier de livraison des projets », stipule la direction de la société, qui rappelle qu’un « grand nombre » de ses décisions « doivent déjà être autorisées par la Ville, la CMM et l’ARTM », entre autres.

Au passage, la STM affirme qu’il faudrait étudier la possibilité de lui permettre « d’exproprier pour le compte d’autrui, comme des entreprises de réseaux techniques urbains (RTU), des villes ou d’autres entités pour lesquelles elles peuvent réaliser des travaux », afin d’économiser des coûts et du temps, là encore.