Des fosses conçues pour accueillir des arbres sont vides depuis plus d’une décennie au cœur de Montréal, révèlent des vérifications effectuées par La Presse.

Ce qu’il faut savoir

  • Des fosses d’arbre de la Ville de Montréal sont vides depuis au moins 15 ans dans les quartiers centraux de la métropole, selon les images archivées par Google Street View.
  • Les services municipaux font valoir qu’il est difficile de faire pousser des arbres dans un cadre bâti dense et que certaines fosses ont carrément dû être abandonnées.
  • Des écologistes demandent toutefois à la Ville d’en faire davantage à ce chapitre.

Alors que la Ville cherche des façons de verdir ses quartiers les plus denses, certains de ses arbres morts n’ont jamais été remplacés depuis au moins 2007, selon les images archivées par Google Street View.

Montréal plaide que faire survivre des arbres au centre-ville est particulièrement difficile et que certains trous ont été abandonnés parce qu’ils sont mal placés. Mais des écologistes appellent la municipalité à en faire davantage pour verdir ses quartiers et combattre les îlots de chaleur.

« On a des partenaires et des citoyens qui nous interpellent pour savoir comment ça se fait que les fosses d’arbre restent vides si longtemps. Ce n’est pas nouveau. C’est quelque chose que l’on constate depuis plusieurs années », explique Emmanuel Rondia, du Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal). En entrevue, il ajoute qu’il reconnaît les difficultés inhérentes à faire pousser des arbres dans une mer de béton, mais estime que la Ville devrait en faire davantage.

La recension effectuée par La Presse n’a aucune prétention scientifique. Une marche dans le cœur de Montréal permet toutefois de découvrir que bon nombre de fosses d’arbre – ces trous excavés dans le trottoir, parfois recouverts d’une grille de fonte – sont vides.

Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré
  • Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, août 2022

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, août 2022

  • Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, août 2019

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, août 2019

  • Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, mai 2014

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, mai 2014

  • Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, avril 2009

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, avril 2009

  • Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, septembre 2007

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Villeneuve et de Grand-Pré, septembre 2007

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Et une vérification rapide dans les images archivées par Google montre que la situation perdure parfois depuis très longtemps. C’est, par exemple, le cas à l’intersection des rues Clark et Sherbrooke (fosse vide depuis au moins 2007), des rues Villeneuve et de Grand-Pré (vide depuis au moins 2007) ou des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain (vide depuis 2012). Google a commencé à recueillir des images des rues de Montréal en 2007.

Pressions urbaines trop fortes

La Ville de Montréal a refusé la demande d’entrevue de La Presse.

« Les arbres de rue posent des défis particuliers dans les arrondissements denses comme Ville-Marie », a affirmé par courriel la relationniste Camille Bégin.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Un vélo attaché à un arbre peut compromettre sa survie.

« Les pressions urbaines causées, par exemple, par les vélos attachés aux arbres, les dépôts sauvages d’objets ou de déchets ou les opérations de déneigement sont trop fortes pour permettre aux arbres de survivre, a-t-elle continué. Dans ces cas, l’arrondissement de Ville-Marie fait le choix de planter dans des emplacements où les chances de survie des arbres sont meilleures. Dans d’autres cas, une fosse d’arbre peut être laissée libre pour permettre des travaux d’infrastructures souterraines. »

Emmanuel Rondia a reconnu les efforts de la Ville en matière de verdissement, mais a appelé l’hôtel de ville à accélérer encore le pas.

On voit une accélération au cours des dernières années en termes de plantations. Les bilans de la forêt urbaine sont encourageants. Mais il y a toujours place à plus, c’est certain. Surtout dans le contexte climatique dans lequel on est et avec les étés qu’on va connaître.

Emmanuel Rondia, du Conseil régional de l’environnement de Montréal

Les arbres urbains apportent des bénéfices importants pour les quartiers denses : ils combattent les îlots de chaleur, permettent aux pluies de pénétrer le sol et insèrent de la beauté à travers le béton, a indiqué M. Rondia.

Il a appelé la Ville à durcir sa réglementation, notamment pour imposer plus de zones végétalisées aux promoteurs immobiliers qui font sortir de terre des projets majeurs. Les cyclistes doivent absolument s’abstenir d’y cadenasser leur vélo, a continué M. Rondia, et les conducteurs de chenillettes de déneigement devraient être davantage sensibilisés.

Des fosses abandonnées

Parmi les exemples soumis par La Presse à la Ville de Montréal, certains emplacements ont carrément été abandonnés en tant que fosses d’arbre. Autant d’illustrations des difficultés qu’ont les arbres à survivre au centre-ville.

Intersection des rues Clark et Sherbrooke
  • Intersection Clark et Sherbrooke, août 2022

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Clark et Sherbrooke, août 2022

  • Intersection des rues Clark et Sherbrooke, août 2019

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Clark et Sherbrooke, août 2019

  • Intersection Clark et Sherbrooke, octobre 2014

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Clark et Sherbrooke, octobre 2014

  • Intersection Clark et Sherbrooke, août 2011

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Clark et Sherbrooke, août 2011

  • Intersection Clark et Sherbrooke, octobre 2007

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Clark et Sherbrooke, octobre 2007

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Ainsi, au coin des rues Clark et Sherbrooke, la fosse se trouve directement devant la mansarde d’un hôtel, « ce qui compromettrait l’intégrité de l’arbre, de son port et son état général à cause du toit. De plus, il y avait aussi des bris à la charpente et au tronc car des autobus et véhicules de tout genre y déposaient les clients », a indiqué Mme Bégin. Une nouvelle fosse a été installée non loin.

Intersection des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain
  • Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, juillet 2022

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, juillet 2022

  • Intersection des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain, août 2019

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection des rues Saint-Antoine et Saint-Urbain, août 2019

  • Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, juin 2015

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, juin 2015

  • Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, septembre 2012

    GOOGLE STREET VIEW

    Intersection Saint-Antoine et Saint-Urbain, septembre 2012

1/4
  •  
  •  
  •  
  •  

Coin Saint-Antoine et Saint-Urbain, la fosse se trouve « à moins de deux mètres » d’un lampadaire, alors que le règlement municipal impose un dégagement minimal de 4,5 mètres. « Il nous est donc impossible de planter un arbre sans contrevenir aux dispositions de ce règlement », a indiqué le service des relations médias.

En 2022, Montréal a planté au total 53 381 arbres, soit 19 448 arbres sur le domaine public, 15 267 sur les propriétés privées, par l’entremise de programmes subventionnés, et 18 666 dans les milieux naturels, a indiqué la Ville. Il s’agit d’un record.