Doubler un cycliste à moins d’un mètre de distance en ville est passible de deux points d’inaptitude et de centaines de dollars d’amende. Toutefois, moins d’une quinzaine de constats sont remis annuellement pour cette infraction, indiquent les données du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Lorsqu’ils doublent un policier à vélo, les conducteurs n’ont pas tendance à le serrer de trop près, reconnaît le SPVM.

Au total, 75 constats d’infraction pour non-respect de l’article 341 du Code de la sécurité routière ont été remis sur le territoire depuis 2018, montrent les données fournies par le SPVM à La Presse. De 2018 à 2022, il y en a eu 71, soit à peine plus de 14 par an en moyenne. Cette année, quatre constats pour ce motif ont été remis jusqu’ici (données au 2 août).

Un conducteur de véhicule routier qui veut doubler un vélo dans la même voie doit réduire sa vitesse et maintenir une distance raisonnable avec le cycliste, indique l’article 341 du Code. Cette « distance raisonnable » est de 1 m là où la vitesse maximale permise n’excède pas 50 km/h, et de 1,5 m lorsque la vitesse autorisée est supérieure à 50 km/h.

« Réalisant qu’une ou un cycliste est de la police, les automobilistes auront tendance à respecter la distance raisonnable requise entre leur véhicule et la bicyclette en doublant celle-ci », a commenté une porte-parole du SPVM, Anik de Repentigny, par courriel.

L’expérience nous démontre d’ailleurs que nos patrouilleuses et patrouilleurs à vélo ont rarement pu mesurer des distances de moins d’un mètre dans une zone de 50 km/h et moins.

Anik de Repentigny, porte-parole du SPVM, dans un courriel

« On comprend que c’est difficile pour les policiers, mais ça montre qu’il y a du travail à faire », souligne le PDG de Vélo Québec, Jean-François Rheault.

« Se faire frôler, même à moins de 50 km/h, ce n’est jamais agréable, on peut perdre l’équilibre. Ça peut mener jusqu’au décès », dit-il en rappelant la mort de la cycliste Mathilde Blais, sous un pont d’étagement de la rue Saint-Denis en 2014. Le coroner avait notamment recommandé que le mètre de distance, seulement suggéré à l’époque, soit formellement inscrit dans le Code.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Vélo blanc à la mémoire de la cycliste Mathilde Blais, happée par un camion sous un pont d’étagement de la rue Saint-Denis en 2014

Un dépassement dangereux, « si on n’est pas cycliste, on n’a peut-être pas constaté l’impact que ça peut avoir », avance M. Rheault.

« Une des choses pour réduire ça, ce sont des aménagements, mais on ne sera pas capable de mettre des pistes partout, donc c’est à prendre au sérieux. Ce sont des comportements sur lesquels les campagnes de sécurité pourraient mettre plus l’accent. »

Des appareils au SPVM

Le SPVM a acheté quatre appareils électroniques servant à mesurer la distance de dépassement en 2019. Ces dispositifs, des C3FT du fabricant américain Codaxus, ont été acquis grâce à une subvention de 8000 $ de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ).

Le poste de quartier 1, dans l’Ouest-de-l’Île, en a fait une démonstration aux médias à Sainte-Anne-de-Bellevue en août 2019. Cette année-là, le SPVM a remis 20 constats pour dépassement dangereux, son record depuis 2018 (2021 arrive au deuxième rang, avec 15 constats).

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le dispositif C3FT, du fabricant américain Codaxus

La distance à laquelle un véhicule double un vélo n’est pas toujours mesurée avec un appareil de Codaxus, précise le SPVM.

« Certains postes de quartier (PDQ) se servent de ces instruments, mais nous n’en avons pas suffisamment pour toutes les unités. De plus, leur utilisation se fait avec parcimonie. »

Les équipements sont répartis entre les quatre régions du territoire et « peuvent ainsi être échangés de semaine en semaine et d’unité en unité ».

Les constats remis par le SPVM en vertu de l’article 341 visent deux types de dépassements, soit ceux effectués par le conducteur « sans s’assurer qu’il peut maintenir une distance raisonnable », et ceux « sans s’assurer de le faire sans danger après avoir réduit la vitesse de son véhicule ». Dans la quasi-totalité des cas (67 sur 75), c’est la distance qui était en cause.

L’infraction entraîne deux points d’inaptitude et est passible d’une amende de 200 $ à 300 $.

Environ 3 %

Sur 32 véhicules qui doublent un cycliste montréalais, l’un d’eux passera à moins d’un mètre, suggère une étude publiée dans la revue Safety l’an dernier. Des vélos équipés de divers appareils de mesure, dont celui de Codaxus, ont roulé près de 1700 km dans toute l’île, durant cinq jours. Sur 3592 dépassements enregistrés, 111 (3,1 %) étaient dangereux, montrent les données recueillies en juin 2019.

Consultez l’étude Dangerous Overtaking of Cyclists in Montréal (en anglais)

« Si on refaisait l’étude maintenant, les chiffres varieraient sûrement, mais ça donne quand même une bonne indication de ce qui se passe sur l’île », indique Philippe Apparicio, professeur de géomatique appliquée à l’Université de Sherbrooke, et coauteur de l’étude avec Andrés Henao, étudiant au doctorat à l’INRS.

« Même quand il n’y a pas de blessés, ç’a quand même un impact sur le sentiment de sécurité et le choix d’utiliser ou non le vélo pour se déplacer », souligne M. Apparicio.

Il faut aménager davantage de pistes cyclables pour séparer les cyclistes du trafic routier, dit-il en citant l’exemple du Réseau express vélo (REV) protégé sur Saint-Denis.

Que dit l’article 341 du Code de la sécurité routière ?

• Un conducteur ne peut dépasser un cycliste à l’intérieur de la même voie de circulation, à moins de pouvoir le faire sans danger.

• Le conducteur doit avoir réduit sa vitesse et s’être assuré qu’il peut maintenir une distance raisonnable avec le cycliste durant la manœuvre.

• La distance raisonnable est de 1 m dans une zone où la vitesse permise n’excède pas 50 km/h, et de 1,5 m lorsque la vitesse autorisée est supérieure à 50 km/h.