La police a tenté de faire retirer le permis d’alcool du festival Metro Metro à la dernière minute vendredi, en raison de possibles menaces dont elle a eu vent après les attaques visant les entreprises du promoteur Olivier Primeau. Une juge administrative a refusé d’acquiescer à la demande des policiers, mais elle a exigé par précaution que le père d’un des organisateurs soit banni du site de l’événement où doivent se produire plusieurs célébrités internationales.

Ce qu’il faut savoir

  • Olivier Primeau, l’un des organisateurs du festival qui s’est ouvert à Montréal vendredi, a vu plusieurs de ses entreprises ciblées par des attaques.
  • La police dit avoir eu vent de nouvelles menaces ciblant le père d’un autre organisateur.
  • Les policiers s’inquiétaient pour la sécurité de l’événement.
  • La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a refusé de révoquer le permis.

Le festival, qui est commandité par la bière Bud Light et la marque de cognac Rémy Martin, a pu continuer ses activités comme prévu. Ses représentants n’avaient pas caché, lors d’une audience qui s’est étirée toute la journée de vendredi devant la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), que la perte du permis d’alcool aurait eu des conséquences dramatiques pour l’organisation. Environ 13 000 spectateurs étaient attendus pour les spectacles de vedettes comme Lil Wayne, The Kid Laroi ou Lil Baby.

L’audience avait été convoquée d’urgence après la réception de nouvelles informations du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Le SPVM dit avoir reçu cette semaine l’information d’un informateur enregistré auprès de son service de renseignement, dont l’identité est protégée. L’informateur aurait dévoilé à deux enquêteurs que « les menaces contre Olivier Primeau et son entreprise sont toujours d’actualité ».

Rappelons que récemment, le condo loué par M. Primeau à Laval a été la cible de coups de feu. Sa pizzéria a été vandalisée, puis visée par une tentative d’incendie criminel. Un autre restaurant exploité par des partenaires d’affaires de M. Primeau a été la cible d’une tentative d’incendie criminel.

Une somme d’argent demandée pour faire cesser les incendies ?

La source du SPVM, dont la fiabilité reste à démontrer, mais dont certaines des informations sont validées par les banques de renseignement policières, affirme que la série d’attaques contre des entreprises d’Olivier Primeau viserait en fait à mettre de la pression sur le père de Jonathan Marchitello, un autre des organisateurs du festival Metro Metro, qui est aussi président du Beachclub de Pointe-Calumet.

Le père de Jonathan Marchitello, Dino Marchitello, est un prêteur privé, anciennement associé au promoteur de boxe Yvon Michel. Il a aussi été associé dans une entreprise de tissus à la fin des années 1990 avec John McKenzie, décrit en cour comme un prêteur usuraire du Gang de l’Ouest qui a été blessé par balle dans un attentat en 2018.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Selon l’organisation, il y avait plus de 300 agents de sécurité sur place, en plus de policiers du SPVM.

« Dino Marchitello se serait fait demander de payer une somme importante d’argent immédiatement pour faire cesser temporairement les incendies, ce qu’il n’aurait toujours pas fait », selon le rapport des enquêteurs du SPVM exposé devant la RACJ.

« La personne derrière les menaces et l’extorsion aurait fait parvenir le message à Dino Marchitello de payer la somme qu’il lui demande, sans quoi celui-ci a laissé planer des menaces concernant le festival Metro Metro », ajoute le rapport du SPVM.

Des menaces très vagues, reconnaît la police

« C’est très vague au niveau des menaces », a reconnu le sergent-détective David Séguin, qui témoignait à l’audience. Néanmoins, la police n’aurait pas donné le feu vert à la délivrance d’un permis d’alcool au festival si elle avait eu ces informations en main avant cette semaine. « C’est certain qu’on se serait [opposés] à l’émission du permis », a déclaré le sergent-détective Séguin.

« En ce moment, on est dans un contexte particulier à Montréal depuis trois ans, où la violence armée est en explosion incroyable et où on peut penser que des menaces peuvent être mises à exécution », a-t-il ajouté en disant avoir des raisons de craindre pour la sécurité des festivaliers.

« On a une source qui manifestement ne connaît pas son dossier », a répliqué l’avocat du festival, MDavid Beaudoin, en relevant plusieurs erreurs factuelles dans la façon dont l’informateur décrit les affaires de la famille Marchitello. Il a aussi souligné l’absence de corroboration des informations de la source par les enquêteurs.

« Il ne faut pas fabuler non plus », a-t-il lancé devant la Régie après que le policier eut évoqué des risques pour les festivaliers. L’avocat a fait valoir que plus de 300 agents de sécurité avaient été mobilisés pour l’événement et que des policiers seraient aussi sur place. Par ailleurs, Olivier Primeau s’est engagé à ne pas se présenter sur place, à la suite de discussions avec les policiers, a ajouté l’avocat.

Imposant dispositif de sécurité

À titre d’organisateur, Jonathan Marchitello a aussi témoigné avec aplomb pour rassurer la Régie. Il a dit avoir vérifié avec son père et s’être fait confirmer qu’il n’avait reçu aucune menace. « C’est totalement faux ! », a-t-il assuré. Par ailleurs, son père n’est en rien impliqué dans le festival, a-t-il déclaré.

Le promoteur a déposé en preuve ses factures de centaines de milliers de dollars pour des services de sécurité.

La sécurité est renforcée. Je suis pas mal prêt à vous dire que personne, pour un tel nombre de spectateurs, n’a une aussi grosse facture de sécurité. On a fait assurément notre travail pour avoir un festival sécuritaire à 100 %.

Jonathan Marchitello, organisateur de Metro Metro

L’enquêteur David Séguin a souligné pour sa part que par le passé, malgré l’imposant dispositif de sécurité, les policiers avaient dû intervenir dans la zone VIP du festival en raison du trop grand nombre de personnes liées au crime organisé. « Pour nous, c’est trois jours de crime organisé dans le VIP mur à mur », a-t-il laissé tomber, sans convaincre la juge administrative Natalia Ouellette d’un risque imminent pour le public.

À 16 h, après avoir considéré la preuve, la régisseuse a décidé de ne pas retirer le permis du festival, mais lui a ordonné de tenir Dino Marchitello à distance durant les trois jours de l’événement, ce que les organisateurs ont accepté.

Avec la collaboration de Daniel Renaud et Hugo Joncas, La Presse