Les pompiers de Montréal ont perdu leurs enquêteurs chargés de faire la lumière sur les causes des incendies majeurs dans la métropole, selon leur syndicat. Une situation qui risque d’entraîner des délais d’attente importants pour les sinistrés, alors que la Ville se fait rassurante.

Les quatre postes de lieutenant-enquêteur au Service de sécurité incendie de Montréal (SIM) sont vacants depuis quelques semaines, a assuré l’Association des pompiers de Montréal (APM), qui les représente. Un cadre assure actuellement la continuité, mais ce dernier partirait à la retraite dans les prochains jours, toujours selon le syndicat.

« [En pratique], il n’y a plus d’enquêteurs au service », a déploré Chris Ross, président de l’Association des pompiers de Montréal. Les enquêtes, c’est normalement « une tâche qui est exclusivement faite par les lieutenants-enquêteurs. Et les quatre postes de lieutenants-enquêteurs sont vacants ».

« On a eu une réunion avec l’employeur [jeudi] qui qualifie [la situation] de [rupture] de service et m’a dit avoir des retards », a ajouté M. Ross.

Vendredi en soirée, la Ville de Montréal avait une version différente.

« Le SIM n’accuse à ce jour aucun retard d’enquêtes », a assuré la porte-parole Kim Nantais, par courriel. « L’offre de service aux citoyens lors d’enquêtes visant à déterminer les causes et circonstances d’incendie demeure maintenue malgré le départ de certains employés. Trois ressources sur une équipe de six y travaillent », a-t-elle ajouté, offrant un décompte différent de celui du syndicat.

Éviter d’autres brasiers

Les lieutenants-enquêteurs – qui sont reconnaissables à leur casque orange – sont normalement appelés à se rendre dans les décombres des incendies majeurs afin de tenter d’en déterminer l’origine et de consigner leurs observations par écrit, ainsi que le prévoit la loi provinciale. Objectif ultime : éviter d’autres brasiers. La police hérite des enquêtes sur les incendies mortels ou criminels.

Les bâtiments touchés par un incendie majeur sont toujours mis sous scellés par les pompiers qui éteignent le brasier, afin de préserver les indices. Seul le passage d’un enquêteur du SIM permet aux sinistrés d’accéder à leur domicile pour tenter, par exemple, de sauver des effets personnels.

La Section de recherche des causes et circonstances des incendies du SIM compte aussi un autre pompier, un capitaine, mais celui-ci remplit des tâches administratives, a indiqué M. Ross.

« Je trouve ça très inquiétant parce qu’on perd une expertise et des connaissances très importantes », a fait valoir Abdelhaq Sari, de l’opposition officielle à l’hôtel de ville. « C’est inacceptable et très inquiétant. C’est une mauvaise gouvernance proactive du service. »

Salaires plus bas

Selon Chris Ross, le SIM a beaucoup de difficulté à recruter des pompiers pour pourvoir ces postes spécialisés, qui nécessitent une formation supplémentaire.

On n’a pas de monde qui postule, ceux qui ont réussi le concours n’acceptent pas la promotion parce qu’ils trouvent que les conditions de travail ne sont pas suffisamment intéressantes.

Le président de l’Association des pompiers de Montréal, Chris Ross

Le travail en caserne, sur des horaires en continu, donne droit au versement de primes et à une diminution du nombre de jours de travail, a-t-il continué. Pas celui des enquêteurs. « Quand un lieutenant aux opérations peut gagner du 150 000 $ par année, c’est dur de le convaincre d’aller aux enquêtes et de gagner 100 000 $ par année. Personne [n’a envie de] faire 50 000 $ de moins par année », a dit M. Ross.

La Section de recherche des causes et circonstances des incendies avait déjà été considérablement réduite il y a cinq ans, dans le cadre de restrictions budgétaires.

« En 2018, on est déjà passés d’un service ouvert 24 heures sur 24, 7 jours par semaine à un service ouvert du lundi au jeudi, a rapporté Chris Ross. Et là, il n’y a plus personne du lundi au jeudi à part le cadre. »