Les résidants des couronnes de Montréal devront payer à partir de 2024 la taxe sur les immatriculations imposée depuis plus de 10 ans aux Montréalais pour financer le transport collectif. La somme facturée aux automobilistes passera de 45 $ à 59 $. Farouchement opposé jusqu’ici à une telle mesure touchant le 450, le gouvernement Legault répond aujourd’hui que ce dossier relève de l’autonomie municipale.

Les élus de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) ont en effet adopté jeudi matin le règlement qui étend la taxe sur les immatriculations à l’ensemble de la région à compter du 1er janvier 2024. Auparavant, seuls les Montréalais devaient payer cette taxe instaurée en 2011. Dans un communiqué, l’organisme précise qu’elle touchera « tout véhicule de promenade dans le Grand Montréal ».

Au passage, les élus ont décrété que la taxe passerait de 45 $ à 59 $. Elle s’appliquera à l’île de Montréal et à 82 municipalités environnantes, notamment Saint-Jérôme. L’élargissement et la hausse de la taxe devraient permettre de multiplier de trois à quatre fois les revenus qui en sont tirés pour financer le transport collectif.

Cette taxe avait rapporté 37,3 millions de dollars en 2022 à la Ville de Montréal, mais la mesure élargie devrait désormais rapporter plus de 125 millions, selon le calcul de la CMM. La Presse calcule toutefois que les revenus pourraient même atteindre jusqu’à 139 millions annuellement. On compte en effet nettement plus de véhicules en banlieue que sur l’île.

La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) dénombre actuellement 820 000 véhicules de promenade immatriculés à Montréal. Dans les couronnes, on en dénombre un peu plus de 1,5 million.

Montréal impose cette taxe depuis 2011. La CMM réclamait déjà depuis plusieurs années qu’elle soit étendue à la couronne. Dans le reste du Grand Montréal, l’instauration de cette taxe est recommandée par la commission du transport de la CMM depuis février 2019. Son principal objectif est de « diversifier les sources de revenus » en transport collectif.

Québec change de ton

Le gouvernement Legault s’était jusqu’ici opposé à ce que la taxe soit étendue au « 450 ». « C’est non. Il n’y aura pas de taxe de 50 $ pour les automobilistes des banlieues », disait en 2020 François Bonnardel, alors ministre des Transports, au moment où la CMM voulait l’imposer. Deux ans plus tôt, dès l’arrivée au pouvoir de François Legault, Chantal Rouleau, à l’époque ministre responsable de la Métropole et déléguée aux Transports, avait répondu qu’il n’était « pas dans [l’]intention [de son gouvernement] d’augmenter les taxes des citoyens ».

Pour donner plus d’argent aux villes, le gouvernement avait plutôt décidé de leur remettre une part des revenus tirés de la TVQ par l’entremise d’un nouveau pacte fiscal.

Il y a plus : dans l’opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) avait mené une campagne contre le projet d’« élargissement éventuel de la taxe sur l’immatriculation » et demandait au gouvernement libéral de renoncer à accorder à la CMM ce pouvoir de taxation. « La CAQ dénonce une nouvelle taxe pour les automobilistes du 450 », disait-elle, parlant d’une « hausse sournoise de la taxation ». On avait même lancé un site web pour dénoncer cette mesure (www.attachezvotreceinture.com, site qui n’existe plus aujourd’hui).

Le cabinet de l’actuelle ministre des Transports, Geneviève Guilbault, soutient aujourd’hui que la loi adoptée sous les libéraux en 2016 permet à la CMM d’étendre la taxe sur l’immatriculation et que cette question relève de l’autonomie municipale. Le gouvernement Legault laissera donc la CMM aller de l’avant.

Blocage terminé

Jusqu’ici, toutefois, la SAAQ avait toujours dit être incapable d’élargir la taxe à la couronne en raison d’enjeux informatiques. En février 2022, La Presse avait rapporté que ce blocage avait fait en sorte que 400 millions de dollars de moins en quatre ans avaient été dégagés pour le transport collectif.

C’est que la distinction des véhicules immatriculés en Montérégie, mais hors de la CMM, demeure difficile. Un peu moins de 30 % de la population des régions de la Montérégie, des Laurentides et de Lanaudière habitent hors de la CMM.

Une entente vient toutefois d’être conclue avec la SAAQ afin d’aller de l’avant. C’est sur cette entente que les élus de la CMM étaient appelés à voter, jeudi matin, et qu’ils ont entérinée en majorité. La SAAQ a d’ailleurs confirmé jeudi avoir informé la CMM qu’elle pourra « répondre à la demande de perception de la taxe sur l’immatriculation » d’ici 2024, « le temps de compléter notre transformation numérique ».

La Communauté métropolitaine, elle, affirme que sa taxe sur l’immatriculation s’avère « plus pertinente que jamais », alors que l’Autorité régionale de transport métropolitain « doit faire face à un important déficit en raison de la forte baisse d’achalandage liée aux nouvelles habitudes de déplacement exacerbées par la pandémie » de COVID-19.

Consultez la liste des 82 municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal

Des projets à la tonne

Cet automne, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) avait chiffré son manque à gagner à environ 500 millions. L’Association du transport urbain du Québec avait aussi signalé que le manque à gagner risquait d’atteindre 900 millions d’ici cinq ans au Québec. En mars, Québec a toutefois offert une aide d’urgence de 400 millions à l’industrie, dont 340 millions reviennent à l’ARTM. Il reste cependant que le cadre financier de l’ARTM devra « intégrer d’ici quelques mois les coûts d’exploitation et d’immobilisation de plusieurs nouveaux projets, dont le REM, le prolongement de la ligne bleue du métro et la mise en service de voies réservées », souligne la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). De surcroît, selon la CMM, « la part des municipalités et celle des usagers dans son financement ont atteint leur maximum, tandis que celle des automobilistes est en baisse et se situe à 5 % ».